« Passe vaccinal » : la Déclaration des droits naturels de l’Homme et du Citoyen est de nouveau au cœur du combat politique
Ainsi jeudi 6 janvier, la majorité des députés présents [1] à l’Assemblée nationale ont approuvé le projet de loi pour la mise en place du « passe vaccinal » qui diviserait le Peuple français en fonction de sa situation au regard de la vaccination. Si dans les prochains jours après les processus parlementaires habituels une telle loi était adoptée, elle piétinerait notamment le 1er article de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) de 1789 : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. »
En effet, selon son statut vaccinal vis-à-vis de la covid-19, les citoyens – en particulier non malades/en bonne santé/non atteints – n’auraient plus les mêmes droits, notamment pour l’accès à certains lieux ou établissements et pour la réalisation de certaines activités. De plus, en vue de pouvoir échapper à certaines restrictions de liberté, les citoyens devraient se munir du « passe vaccinal », c’est-à-dire d’un document officiel du gouvernement : la liberté devient une autorisation.
L’objectif constitutionnel de protection de la santé énoncé au point 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, repris en tête de celle du 4 octobre 1958, repose sur l’obligation pour les gouvernants de déployer les moyens nécessaires d’assurer cette protection et non sur une entorse aux libertés et droits fondamentaux, même pour une durée limitée.
Dans cette période contre la déclaration des droits humains que nous vivons, il devient nécessaire de rappeler quelques points historiques sur la DDHC, en particulier d’évoquer ses plus féroces adversaires. N’étant pas un historien, je vais me contenter de rappeler une liste non exhaustive d’éléments me paraissant fondamentaux.
- Le 26 août 1789, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, se référant à la théorie du droit naturel, est votée : ce fut le Manifeste de la Révolution de 1789, réclamé par les États généraux.
- L’art. 1er de la DDHC de 1789 fut immédiatement combattu par les colons esclavagistes de Saint-Domingue. Dans une lettre à leurs commettants du Cap, les députés des colons blancs avaient présenté la DDHC comme la « terreur » des colons : « Enfin, elle (notre circonspection) est devenue une espèce de terreur, lorsque nous avons vu la Déclaration des droits de l’homme poser, pour base de la Constitution, l’égalité absolue, l’identité de droits et la liberté de tous les individus. » [2]
- Le 13 mai 1791, malgré une défense acharnée du côté gauche, dont les principaux porte-parole étaient Grégoire et Robespierre, la majorité de l’Assemblée constitutionnalisa l’esclavage dans les colonies en votant l’article suivant : « L’Assemblée nationale décrète comme article constitutionnel qu’aucune loi sur l’état des personnes non libres ne pourra être faite par le corps législatif pour les colonies, que sur la demande formelle et spontanée des assemblées coloniales. » Cette décision réservait ainsi aux assemblées de colons esclavagistes la législation intérieure des colonies.
- Le 24 juin 1793, la Convention, nouvelle assemblée constituante, vota la deuxième Déclaration des droits naturels de l’homme et du citoyen.
- 4 février 1794 : la Convention montagnarde abolit l’esclavage dans les colonies françaises.
- 9 thermidor - 27 juillet 1794 : chute de la Montagne.
- La Constitution de 1795 expulse la Déclaration des droits naturels de l’homme et du citoyen du droit constitutionnel français et restaure un suffrage censitaire pour établir une aristocratie des riches. La déclaration placée en tête de la Constitution du Directoire rompt avec la théorie du droit naturel et instaure tout autre chose, les droits et les devoirs de l’homme en société.
- À partir du Coup d’état de Bonaparte, qui restaura l’esclavage dans les colonies, en 1802, la Déclaration des droits naturels ne fut plus qu’un souvenir en France, jusqu’en… 1946, date à laquelle le Conseil national de la Résistance proposa de rétablir celle de 1789.
- En 1906, Maurras proclamait : « Nous prenons le ciel à témoin de la vivacité de notre haine pour la démocratie et pour le principe, absolument faux, de la souveraineté du nombre ».
- Dans un discours datant du 7 avril 1926, Mussolini déclarait : « Nous représentons l’antithèse des immortels principes de 1789 ».
- Goebbels en 1933 : « L’an 1789 sera rayé de l’histoire ».
Ce n’est pas la première fois dans l’Histoire que des parlementaires, sans le contrôle direct des citoyens, collaborent à la destruction de la République. Bien sûr, on peut rappeler la date du 10 juillet 1940, le Parlement français étant associé à l’opération même qui le liquida avec la République. Par 569 voix contre 80, la loi constitutionnelle voulue par Laval, donnant les pleins pouvoirs constituants à Pétain, fut adoptée.
Comment ne pas évoquer également le 4 février 2008 et le sinistre Congrès du Parlement réuni à Versailles qui a conduit à l’adoption du projet de loi modifiant la Constitution, préalable nécessaire à la ratification du Traité de Lisbonne, copie du Traité Constitutionnel Européen, que le Peuple français avait pourtant rejeté en 2005 par référendum…
Selon le chef de l’État, Emmanuel Macron, « Les devoirs valent avant les droits ».
Mais selon Robespierre, « Lorsque le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs ».
Toucher et remettre en cause l’article 1er de la DDHC de 1789 est un acte grave qui viole la devise de la République démocratique et sociale :
Liberté, Égalité, Fraternité.