L’aristocratie des riches ou la souveraineté du peuple ?
Intervention le 21 septembre dernier à Guéret lors de la réunion-débat sur le thème « Changer de président ou changer de constitution ? » [1] |
En ce 21 septembre, comment ne pas évoquer celui de 1792, jour de la première séance de la nouvelle Assemblée constituante, appelée Convention, qui sera suivi par l’instauration de la 1re République. En prenant des raccourcis hasardeux avec l’Histoire, la question à l’époque était plutôt la suivante : « changer de roi ou changer de constitution ? ». Nous aurons dans quelques minutes l’occasion d’approfondir plus sérieusement le sujet.
Sommes-nous actuellement dans une monarchie élective ? Oui à bien des égards, d’ailleurs de Gaulle l’aurait déclaré à Peyrefitte le 13 juin 1963. Après sa victoire en 1981, Mitterrand avait renié ses engagements quant au changement de régime. Sous son hyper-présidence et sa seule autorité, Sarkozy avait décidé le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN, cheval de Troie économique et bras armé de l’impérialisme américain, mais aussi l’intervention militaire en Libye dont on peut mesurer aujourd’hui toutes les conséquences dramatiques. Interrogé le 27 mai 2008 sur la première radio allemande de France, à propos de la proposition de Laurence Parisot, de relever à 63 ans et demi l’âge légal de départ à la retraite, Nicolas Sarkozy avait répondu :
« Elle a le droit de dire ça, j’ai dit que je ne le ferai pas. Pour un certain nombre de raisons, et la première, c’est que je n’en ai pas parlé pendant ma campagne présidentielle. Ce n’est pas un engagement que j’ai pris devant les Français. Je n’ai donc pas de mandat pour faire cela. »
On connaît la suite des événements de 2010… Son successeur à la tête de l’État a permis la ratification du TSCG, traité voulu par Merkel et Sarkozy qui devait être « renégocié » d’après le candidat Hollande. Celui-ci accompagné de la majorité des parlementaires du Parti socialiste, qui n’a de gauche que le nom, avait déjà emboîté le pas de Sarkozy en piétinant la souveraineté populaire lors de la ratification du Traité de Lisbonne en 2008, copie du Traité Constitutionnel Européen refusé par le Peuple français en 2005 par référendum.
Sommes-nous actuellement dans un Empire électif ? Oui à bien des égards, d’ailleurs le comte Richard de Coudenhove-Kalergi, l’un des « pères » fondateurs de l’Union européenne, avait le 18 mai 1950 exprimé le fait qu’« Il s’agit ni plus ni moins que la renaissance d’un Empire carolingien ». En cette année 2015, les masques tombent grâce au Peuple grec, peuple roi, peuple désespéré. Suite à la victoire de Syriza, Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, n’hésita pas à dire le 29 janvier qu’« Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens ». Traditionnellement remis le jour de l’Ascension à Aix-la-Chapelle, le Prix Charlemagne a été décerné le 14 mai au président du Parlement européen « pour son travail de promotion de la démocratie ». Présent lors de la cérémonie, Hollande y ressentit « l’esprit des origines ». Écoutons-le :
« Ici, à Aix-la-Chapelle, c’est un lieu chargé d’histoire. Ici, chacun ressent l’esprit des origines puisque c’est à Aix-la-Chapelle qu’un monarque - dont nous partageons tous ici finalement le souvenir - un monarque qui était encore nomade en ces temps incertains, Charlemagne, qui a décidé de fixer la capitale du Premier empire où devaient coexister de gré ou de force - convenons-en - les populations européennes. […]. Je reviens sur cette région qui, à l’époque, s’appelait la Lotharingie, elle était issue du traité de Verdun. Déjà, il existait des traités, on ne les soumettait pas aux peuples, pas davantage à des instances de représentation. »
Après le « ΟΧΙ » grec, il est devenu difficile pour les mystiques européens de cacher l’hégémonie allemande dans l’Union européenne. Notons que Martin Schulz a fait honneur à son prix en attendant la nomination d’un « gouvernement de technocrates » en Grèce en cas de victoire du oui au référendum et de démission du gouvernement. Il est également important de rappeler que le Conseil d’État, dans son arrêt du 8 janvier 2007, a confirmé la primauté du droit européen sur l’ensemble du droit national et a pris acte de l’impossibilité de s’opposer à une loi ou à un décret qui serait pris en application d’un texte communautaire, quand bien même il pourrait sembler contraire à la Constitution française. Le législateur est notamment obligé de transposer les directives communautaires. De plus, depuis 2013, la Commission de Bruxelles peut demander à l’Assemblée nationale de modifier, avant le vote, le projet de budget, s’il lui paraît hors des clous européens. Alors que le fédéralisme européen est la priorité du MEDEF depuis 2012, la mise en place du projet Lebranchu - Hollande sur les collectivités territoriales est justement fédéraliste et contre-révolutionnaire, avec comme complément la future ratification par voie parlementaire de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires remettant en cause l’article 1er de la DDHC de 1789, « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », et qui aboutira à l’ethnicisation du politique. Enfin, cerise sur le gâteau, le Traité transatlantique se prépare dans l’opacité la plus totale. Lors du 11ième sommet européen des Affaires en 2013, Jürgen R. Thumann, en tant que président de BusinessEurope, avait stipulé que les plus grandes entreprises européennes s’engageaient à aider les gouvernements tout au long des négociations et qu’elles feraient tout leur possible pour que l’accord soit conclu.
Le Grand capital peut s’appuyer sur des relais précieux chez les professionnels de la politique, à l’exemple de Moscovici, le commissaire européen aux Affaires économiques et ancien ministre, qui est « persuadé que le TAFTA est un accord gagnant-gagnant ». Ce dernier était en mai 2012 l’un des deux vice-présidents du Cercle de l’Industrie rassemblant trente-deux Présidents de grandes entreprises françaises. Comment ne pas mentionner le fait que Moscovici est l’un des Jeunes Leaders dans le cadre de la Fondation Franco-Américaine, tout comme François Hollande, Arnaud Montebourg, Najat Vallaud-Belkacem, Emmanuel Macron, Alain Juppé, Valérie Pécresse, Nathalie Kosciusko-Morizet, Laurent Wauquiez, etc. La liste des soutiens à cette fondation est très longue : la Banque Lazard, BNP Paribas, Crédit Agricole, AXA, Air France, Coca-Cola, Areva, la Fondation Ford, David Rockefeller, etc. Dans la galaxie mondialiste, on peut également citer l’Institut Aspen dont le banquier Michel Pébereau fut le président entre 2004 et 2010. Wauquiez ou encore Cécile Duflot sont passés par Aspen pour y suivre un « cycle de formation ».
Comment ne pas s’étonner après un tel constat, de l’exaspération des citoyens devant cette classe politique au service des intérêts économiques et financiers mondialisés…
Pourquoi des décisions menaçant gravement la liberté politique et le droit naturel à l’existence sont-elles prises par cette classe dirigeante en toute impunité ? Pendant la Révolution française, Robespierre a combattu un système, le suffrage censitaire qui servait l’intérêt particulier des riches, nouveaux oppresseurs du peuple. Voilà ce qu’il disait : « Que serait la nation ? Esclave ; car la liberté consiste à obéir aux lois qu’on s’est données, et la servitude à être contraint de se soumettre à une volonté étrangère. Que serait votre constitution ? Une véritable aristocratie. Car, l’aristocratie est l’état où une portion des citoyens est souveraine et le reste sujets. Et quelle aristocratie ! La plus insupportable de toutes ; celle des riches ». La Constitution est le cœur du combat politique. La souveraineté populaire doit être rétablie d’urgence en France. L’élection d’une Assemblée constituante au suffrage universel en est le moyen.
John Groleau, 21 septembre 2015, Guéret.