Éthiopie à vendre. Mainmise sur les terres cultivables !

, par  J.G.
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« Alors que plus de 10 millions de personnes souffrent du pire épisode de sécheresse depuis 60 ans, l’Éthiopie, dont certaines régions sont classées par l’Organisation des Nations unies en situation de crise ou d’urgence humanitaire, poursuit une politique de location de ses terres fertiles. Des entreprises étrangères, notamment malaises, italiennes ou coréennes, ont en effet obtenu des concessions sur bon nombre d’hectares dans l’ouest, mais également le sud du pays. Fri-El Green Power, une compagnie transalpine, exploite par exemple au moins 30 000 hectares de palmiers à huile près du Lac Turkana, dans la vallée de l’Omo.

Cette région, très riche en eau, est en passe de devenir une zone de culture de canne à sucre. Et donc un pôle d’exportation destiné à alimenter le marché mondial des agrocarburants. Pour faciliter l’irrigation, deux barrages ont d’ores et déjà été construits sur le fleuve Omo (Gibe I et II) et un troisième est en chantier depuis 2006 (Gibe III), notamment grâce à des fonds italiens ; il pourrait devenir l’ouvrage hydroélectrique le plus important d’Afrique. L’équation est simple : l’Éthiopie, en manque de fonds, abandonne peu à peu son agriculture vivrière en échange d’investissements internationaux.

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Ainsi, Karmjeet Singh Sekhon, dirigeant de l’entreprise Southall Furnitures United, est à la tête d’une des plus grandes fermes de l’Ouest éthiopien, qui couvre une superficie de quelque 300 000 hectares. Prévoyant de “construire de nouveaux champs de canne à sucre et d’huile de palme”, cet entrepreneur indien de 68 ans espère gagner des millions en exploitant à l’étranger les produits cultivés. Une opération on ne peut plus lucrative. Sauf peut-être pour le jeune garçon qui, non loin de lui, arrache les mauvaises herbes au milieu d’un champ de canne à sucre. Red, huit ans, est plus rentable que les pesticides. Il gagne 70 centimes d’euros par jour. » Mathieu Olivier

Extraits de l’article, Éthiopie : la famine menace mais les agrocarburants se portent bien, de Mathieu Olivier publié par jeuneafrique.com le 27/07/11.



« Si Hanumantha Rao a déménagé, voilà onze mois, à 4800 km de chez lui, c’est pour superviser la culture de maïs, de riz et de légumes pour la firme indienne Karuturi. L’entreprise, qui est le plus grand producteur de roses coupées du monde, a voulu étendre ses activités à l’agrobusiness. Avec la hausse du prix des denrées alimentaires, qui a atteint un pic à la mi-2008, le marché est prometteur. D’autant plus que l’Ethiopie offre un accès privilégié aux consommateurs européens : ses produits, couverts par l’accord Everything But Arms, échappent aux taxes et aux quotas. En outre, la terre y est abondante et peu chère. “Le gouvernement nous la loue 127 birrs (11 francs) par hectare et par an.” Les cinq premières années, la firme ne paie rien. “En Inde, nous n’aurions jamais pu obtenir une telle superficie. Même pour acheter 10 hectares, on se heurte à des résistances.”

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Cela ne l’empêche pas d’aboyer, en anglais, sur ses travailleurs, pendant que son adjoint lance des piécettes aux enfants qui courent derrière le tracteur. Chaussés de bottes en caoutchouc et vêtus d’anoraks beiges, les deux Asiatiques contrastent avec les ouvriers éthiopiens, pieds nus dans la boue noire. Trois quarts sont des journaliers, payés 20 à 25 birrs par jour (environ 1.70 franc). Certains se sont plaints dans un journal local de ne toucher que 7 à 8 birrs (60 centimes).

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“Nous offrons des baux de 50 à 99 ans, à un loyer minimal (10 à 12 dollars l’hectare), ainsi que cinq à sept ans sans impôt sur la terre et des exemptions de taxes sur les importations de machines agricoles”, se félicite le ministre. Le gouvernement met tout en oeuvre pour aider les firmes étrangères à s’implanter dans le pays. Si l’investisseur vient avec 30% des capitaux, la banque de développement éthiopienne lui fournira les 70% restants.
“La demande est telle que nous peinons à y répondre”, se réjouit Abera Deressa. Le pays a déjà engrangé 1311 projets, le plus grand étant les 300 000 hectares concédés à Karuturi. Parmi les autres bénéficiaires, Djibouti a reçu 7000 hectares pour cultiver du blé, alors que l’allemande FloraEco Power (13 000 hectares), l’italienne Fri-El Green Power (30 000 hectares), l’américaine Ardent Energy Group (15 000 hectares) et la britannique Sun Biofuels produiront des biocarburants.
Mohammed al-Amoudi a lui aussi des projets en cours : il veut “planter du sucre” dans le nord-ouest sur 30 000 hectares avec Syngenta et cherche à obtenir 100 000 hectares dans la province du Benishangul Gumuz pour y produire des biocarburants avec la firme malaisienne AgriNexus. Le Saoudien fait en outre pousser du café, du thé et des céréales sur 19 200 hectares, sous l’égide de la marque Ethio Agri-CEFT. Il livre notamment Starbucks. » Julie Zaugg

Extraits de l’article, Éthiopie : l’heure de la moisson a sonné, de Julie Zaugg pour le magazine suisse L’Hebdo le 03/09/09. Copie du document :

Éthiopie : l’heure de la moisson a sonné. Par Julie Zaugg

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