Le Pacte Synarchique : de l’Union européenne à l’Organisation Synarchique du Monde
L’Union fédérative de l’Europe, la Pan-Eurafrique, les cinq fédérations impériales du monde...
Le 6 avril 2011 sur France Culture, Alain-Gérard Slama, chroniqueur au Figaro-Dassault et membre du club Le Siècle, s’épancha succinctement sur la Synarchie avec le sophiste Jacques Attali, promoteur d’un gouvernement mondial « démocratique » et d’une Constituante européenne [1]. Quel était « le rêve de la Synarchie » - et notre cauchemar... - pour reprendre l’expression du « philosophe » Slama ?
En avril 1946, le synarque Raoul Husson publia, sous le pseudonyme Geoffroy de Charnay, un livre intitulé Synarchie, panorama de 25 années d’activité occulte aux éditions Médicis-Paris. Dans l’annexe de cet ouvrage, il reproduisit l’intégralité du « Pacte Synarchique Révolutionnaire pour l’Empire Français ».
D’après Husson, ce document, « remis à chaque affilié au moment de son affiliation », était « capital, véritable monument d’habileté rédactionnelle, dont il importe d’avoir pénétré la ruse et analysé avec soin les thèses essentielles », contenant « un certain nombre de contradictions internes, d’ailleurs peut-être voulues et destinées à donner satisfaction à des lecteurs de tendances opposées » et « servant à provoquer des affiliations ».
Le Pacte Synarchique contient 598 propositions. Husson souligne « tout un système de grands camouflages idéologiques destinés à cacher la paternité et les tendances réelles du document, et par conséquent du Mouvement Synarchique ». Il estime que la partie la plus importante du Pacte concerne l’« organisation particulière des nations du monde » au point de lui consacrer un chapitre entier.
Qui étaient Raoul Husson et … Geoffroy de Charnay ?
Trouver des informations sur Raoul Husson se révèle une entreprise délicate. La revue scientifique Fusion -aujourd’hui disparue- nous donna quelques renseignements sur ce dernier en 1999, dans un article de Rémi Saumont, La vibration active des cordes vocales : « Ancien élève de l’Ecole normale supérieure, né en 1901, Raoul Husson était diplômé d’études supérieures de physique mathématique et de calcul des probabilités, et c’est comme statisticien qu’il a débuté sa carrière. A la veille de la Seconde Guerre mondiale, il est devenu secrétaire général de la Statistique générale de la France et ce n’est qu’après la Libération qu’il a intégré le CNRS en tant que chargé de recherches dans la section de physiologie, après avoir soutenu, en 1950, une thèse de doctorat ès sciences naturelles, avec comme président de thèse le physicien Yves Rocard ( ndlr : père de Michel Rocard ). » [2] Il « a été tué dans un accident de voiture en 1967. » [3]
En 2000, la revue Les Génies de la Science consacra un numéro au groupe Nicolas Bourbaki, célèbre société secrète de mathématiciens. L’article de Maurice Mashaal intitulé La saga d’un nom, nous procure des informations ne manquant pas d’intérêt : « En 1923, Raoul Husson, alors “cube”, c’est-à-dire normalien de troisième année, de la promotion 1921, monta un canular aux “conscrits”, c’est-à-dire aux élèves de première année de l’ENS. Il annonça par voie d’affiche qu’un certain professeur Holmgren venait donner une conférence à l’École, et que les conscrits étaient priés d’y assister. La suite ? Voici ce que raconta André Weil dans ses Souvenirs d’apprentissage : « Il se présenta aux “conscrits”, muni d’une fausse barbe et d’un accent indéfinissable, et leur fit un exposé qui montait, paraît-il, par degrés insensibles d’un peu de théorie des fonctions classiques aux hauteurs les plus extravagantes, pour se terminer par un “théorème de Bourbaki” dont l’auditoire resta pantois. C’est ainsi du moins que s’en est fixée la légende, qui ajoute que l’un des normaliens présents déclara avoir tout compris d’un bout à l’autre. » Où Raoul Husson trouva-t-il le patronyme Bourbaki ? Dans l’histoire militaire de la France : Napoléon III avait sous ses ordres un général dénommé Charles Denis Sauter Bourbaki [4] qui prit une importante part à la guerre franco-prussienne de 1870. » [5]
Une observation concernant Henri Cartan, l’un des membres fondateurs du groupe Nicolas Bourbaki : il fut le président de 1974 à 1985 du Mouvement fédéraliste européen [6] et prit la tête d’une liste nommée « Pour les États-Unis d’Europe » en 1984 lors des deuxièmes élections européennes [7].
Le nom d’emprunt choisi par Raoul Husson, Geoffroy de Charnay, mérite également toute notre attention car celui-ci était un Templier. D’après Bernadette Arnaud,« Enfermé pendant de longues années avec l’espoir d’une libération, ce n’est que le 18 mars 1314 que Jacques de Molay [grand maître des Templiers] apprend qu’il restera en prison à vie. Dans une réaction ultime, il proclame alors l’innocence de l’Ordre et revient sur ses aveux. Geoffroy de Charnay, précepteur de l’Ordre pour la Normandie, fait de même. Pour juguler toute agitation, Philippe le Bel, surnommé aussi le Roi de fer, ordonne de les faire monter le soir même sur le bûcher » [8] .
« le parlementarisme était l’ennemi politique n°1 »
Avant de revenir sur l’Organisation Synarchique du Monde, objet principal de cet article, Husson considère p. 43 que, « dans l’esprit des fondateurs du Mouvement Synarchique, le parlementarisme était l’ennemi politique n°1 » [9]. À la page 44, il répond à sa propre question « Si l’on supprime le parlementarisme, quel va être le lien entre le peuple et l’Etat ? » :
« La proposition 293 nous l’apprend : c’est la profession. […]. Cette idée est renforcée au maximum par ce qui suit : il n’y a plus d’activité civique pour le citoyen dans l’Etat synarchique, en dehors de l’exercice d’une profession reconnue et organisée. […]. Et la même idée est encore précisée par les propositions 348 à 351 [10], qui indiquent que “la profession définit tout entier le citoyen”. […]. Ces propositions n’ont de toute évidence qu’un seul but, toujours le même : affaiblir le pouvoir politique, en renforçant la puissance de l’organisation économique de l’Etat ; et soustraire le citoyen à l’attrait des discussions politiques en l’enfermant le plus strictement possible dans sa profession. »
À la page 115, Husson juge que « le renversement en France de la république, et surtout des institutions parlementaires » était, « pour le Mouvement Synarchique, un impératif catégorique ». Pourquoi selon lui ?
« La raison en est la suivante : une France républicaine, à institutions permettant le renouvellement continu de ses classes dirigeantes par des éléments surgis inopinément du prolétariat intellectuel et de la petite bourgeoisie grâce au suffrage universel, - renouvellement qui obligeait le M.S.E. (ndlr : Mouvement Synarchique d’Empire) à un effort incessant d’approche et de circonvention,- France qui était en même temps, en raison de ces institutions, assez anti-cléricale et largement ouverte aux influences anglo-saxonnes et russes, était un obstacle évident à l’établissement d’une Europe Unie telle que la veulent les Synarques.
Il convenait donc d’installer au pouvoir en France les équipes synarchiques, - ce qui était déjà largement réalisé en 1939,- et de modifier les institutions en vue de pérenniser ces équipes au pouvoir et d’éviter leur renouvellement continu par la base. Ces transformations permettaient également de fermer le pays à toute influence anglo-saxonne et russe, et enfin de réaliser progressivement, par la propagande, le climat idéologique favorable à l’institution de cette Europe Unie, noyau de l’Eurafrique, tremplin nécessaire pour la réalisation de desseins plus étendus. »
Droit colonial et devoir impérial
Ces objectifs plus vastes du M.S.E. sont développés dans le chapitre V intitulé L’Organisation Synarchique des Nations du Monde et l’Europe Unie. Mais ils sont auparavant abordés dès la page 51 dans le chapitre III. Husson y évoque la question coloniale en constatant que les propositions 538 à 540 établissent un « droit colonial » :
« Droit colonial. 538 – Du fait même de la solidarité universelle, aucun pays ne peut rester fermé ou se dérober aux grands courants de la civilisation mondiale, ombres et lumières mêlées. 539 – Aucun pays ne peut se refuser à la prospection et à l’exploitation, humainement conduite, des richesses matérielles qu’il recèle. 540 – A plus forte raison aucun pays ne peut-il maintenir en droit ses habitants à un niveau inférieur de vie et leur interdire les voies de plein développement sous prétexte de souveraineté ou de libre disposition des peuples par eux-mêmes. » [11] |
Ce synarque écrit : « En adoptant un pareil point de vue, toutes les interventions coloniales peuvent être justifiées, et, bien entendu, elles ne devront apparaître que comme des aides apportées par des pays hautement civilisés à des pays attardés : la proposition 543 affirme même que “cette aide de peuple à peuple est un devoir impérial” ».
« Devoir impérial. 541 – Par contre, toute colonisation ne peut être entreprise et comprise qu’en mode synarchique, c’est-à-dire : - comme l’aide nécessaire apportée par une métropole hautement civilisée, - à un peuple ou ensemble de peuples restés ou revenus à un niveau de vie inférieur à celui de la civilisation mondiale qui tend plus ou moins heureusement mais toujours, à valoriser la condition humaine. 542 – L’initiative de cette coopération peut venir : - soit du pays attardé, - soit du pays avancé. 543 – Cette aide de peuple à peuple est un devoir impérial, - pour toute Nation ayant atteint un haut degré de civilisation - vis-à-vis de tout pays de niveau nettement inférieur à celui de la civilisation mondiale. 544 – Cette aide d’ailleurs peut prendre toutes les formes et comporter toute la gamme des modes d’intervention : - soit l’intervention directe d’un ou plusieurs Etats étrangers (colonie, protectorat, mandat, fédération, alliance, etc…), - soit l’intervention indirecte par l’entremise de particuliers ou de collectivités privées ou publiques d’ordre économique, financier, technique, universitaire, religieux, etc… agissant en dehors de l’Etat politique. » [12] |
L’organisation synarchique du monde
Considérant qu’elle est la plus significative du Pacte Synarchique, Husson met en avant à plusieurs reprises la proposition 592 avec les « cinq Fédérations Impériales de Nations dont l’ensemble constitue le monde entier, c’est-à-dire la Société Universelle des Nations », en faisant un parallèle avec la thèse lancée dès 1922 par un certain comte Richard Nikolaus de Coudenhove-Kalergi…
L’extrait suivant du Pacte Synarchique est à lire avec un esprit critique en éveil car, comme l’a prouvé l’historienne Annie Lacroix-Riz [13], la Synarchie était bien au centre du fascisme français. L’intégration européenne lors de la Seconde Guerre mondiale était intense comme l’a souligné Annie Lacroix-Riz dans sa conférence du 30 novembre 2010 à Bagneux, illustrée par exemple à travers les expositions de la France européenne sous Vichy. De manière stupéfiante, certains passages de ce Pacte nous renvoient aux projets contemporains.
«
L’ORDRE SYNARCHIQUE, POUR SCELLER LA FRATERNITE IMPERIALE DANS LA FORCE EN D’INDESTRUCTIBLES ASSISES, RECONNAIT QU’UN LOYALISME MUTUEL DE TOUS LES PEUPLES DANS LA FEDERATION NE PEUT ETRE MORALEMENT ET PRATIQUEMENT EXIGE QU’AUTANT QUE LA METROPOLE L’A RENDU POSSIBLE MAIS QU’IL DOIT ETRE TENU COMME CONDITION INELUCTABLE DE LA DUREE DE L’EMPIRE ET DE SA GRANDEUR.
L’ORDRE SYNARCHIQUE, EN VUE D’ADAPTER LA VIE MATERIELLE DES PEUPLES AUX REALITES CONTINGENTES DU MONDE MODERNE, EXIGE L’ETABLISSEMENT ET LE DEVELOPPEMENT D’UNE VERITABLE ECONOMIE D’EMPIRE RECONNUE A LA FOIS COMME BASE PRIMORDIALE DE LA PROSPERITE DE LA METROPOLE ET DE TOUS LES RESSORTISSANTS DE L’EMPIRE, ET COMME CONDITION PREMIERE D’UNE COOPERATION BENEFIQUE AVEC TOUS LES AUTRES PEUPLES.
L’ORDRE SYNARCHIQUE, QUI NE PEUT SE CONCEVOIR HORS DE LA PAIX CIVILISATRICE FONDEE SUR L’HONNEUR ET HONORABLE POUR TOUS, EXIGE NON PAS TANT QUE L’ETAT ACTUEL DES PUISSANCES SOIT MODIFIE PAR UN NOUVEAU DEPLACEMENT DES FRONTIERES MAIS QUE LA VIE SYNARCHIQUE DE CHAQUE PEUPLE SOIT REVEILLEE EN MODE ORIGINAL ; QUE L’UNION FEDERATIVE DE L’EUROPE SOIT REALISEE ; QUE LA PAN-EURAFIQUE SOIT NOBLEMENT CREEE PAR UN LIBRE CONCERT DE TOUS LES PAYS DE L’EUROPE ET DE L’AFRIQUE ; QU’ENFIN LA « SOCIETE MAJEURE DES NATIONS » SOIT ACCOMPLIE ET RAMENEE A SA REALITE UNIVERSELLE PAR L’INTERPOSITION JURIDIQUE DES CINQ « SOCIETES MINEURES DE NATIONS » DEJA CONSTITUEES EN FAIT OU EN VOIE DE CONSTITUTION A NOTRE EPOQUE. - elle sera comme l’image magnifiée de ce que la France métropolitaine, pays de synthèse démographique et centre géographique du monde, fut en mode national durant des siècles, |
Quintidi 25 Pluviôse an 220