Régionalisation : instrument de casse des salaires, de l’égalité entre les travailleurs et du droit du travail
En 2007, Denis Kessler, l’ancien vice-président du MEDEF, avait déclaré dans Challenges qu’il s’agissait « de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance » [1]. Dans le n°460 de ce mois-ci, ce magazine titre « EMPLOI 10 mesures-chocs qui n’ont jamais été essayées ». Parmi elles, deux sont à relier au régionalisme, projet inspiré par le grand patronat, et retranscrites ci-dessous. Tout comme le programme 2012 baptisé « Besoin d’aire » du MEDEF [2], il est important d’en prendre connaissance.
« Régionaliser le temps de travail, les politiques de l’emploi, du logement
“Croire qu’un seul Code du travail, un seul smic et, pour parler de mobilité, un seul droit du logement est adapté à toutes les situations (zones rurales en déclin, centres-villes congestionnés, banlieues ...) est une vision très décalée de la réalité”, critique ETIENNE WASMER, économiste à Sciences-Po. S’inspirant des Etats américains, il veut donner la possibilité aux nouvelles grandes régions d’adapter le niveau du smic et le droit du travail à leurs particularités. Ainsi, “les zones périphériques des Ardennes auraient intérêt à déréguler le marché du travail, à renégocier les 35 heures et à contenir les coûts salariaux afin de susciter le retour d’investissements internationaux dans l’industrie”. A l’inverse, l’Ile-de-France peine à attirer de jeunes cadres en raison de loyers élevés, et les propriétaires ont tendance à exclure les CDD. Elle devrait donc davantage protéger les salariés et, en échange, faciliter les ruptures du contrat de travail. Mais cette proposition radicale a peu de chances d’aboutir, le gouvernement ayant déjà refusé que les régions récupèrent le suivi des chômeurs. D.B. »
« Créer un smic en fonction de l’âge et des régions
Ex-conseiller de Martine Aubry au ministère de l’Emploi, GILBERT CETTE appelle à un “big bang” du smic. “Les règles de revalorisation conduisent à des augmentations trop fortes, déplore ce professeur d’économie à l’université d’Aix-Marseille. Or de nombreux travaux montrent que ces hausses s’accompagnent à moyen terme d’une baisse de l’emploi salarié.” Selon l’indicateur rapportant le salaire minimum et le salaire médian, la France arrive au cinquième rang mondial. L’économiste suggère un “gel au moins partiel” du smic durant plusieurs années, en compensant l’effet sur le pouvoir d’achat par des aides directes aux ménages (prime d’activité, RSA). Une première étape avant de s’attaquer à deux tabous : la régionalisation et la différenciation par âge. “Le smic n’offre pas le même pouvoir d’achat selon qu’on vit à Paris ou dans la Creuse, souligne Gilbert Cette. Et les pays qui ont un smic jeunes connaissent un taux d’emploi des jeunes bien supérieur au nôtre.” Celui-ci atteint respectivement 48 % et 59 % au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, pour seulement 28 % en France. L.F. »