"Quand les Etats-Unis n’avaient pas de problème avec le gaz sarin". Par Charles Carrasco
La semaine dernière, la CIA reconnaissait avoir orchestré le coup d’État qui a renversé le premier ministre iranien, Mohamed Mossadegh, le 18 août 1953, après qu’il eut nationalisé le pétrole du pays, selon des documents récemment déclassifiés [1]. Ci-dessous, un article de Charles Carrasco publié hier par europe1.fr.
« Durant la guerre Iran-Irak, la CIA a fourni des renseignements à Hussein qui a effectué des attaques chimiques, rapporte Foreign Policy.
L’INFO. C’est de l’histoire ancienne mais celle-ci a une résonance actuelle toute particulière alors que la pression internationale s’accentue sur le régime syrien, accusé d’avoir utilisé des armes chimiques contre sa population. Selon le très sérieux magazine américain Foreign Policy, documents à l’appui, la CIA américain a fourni des renseignements à l’ex-président irakien, Saddam Hussein lors de la guerre face à l’Iran dans les années 80, tout en sachant qu’il procéderait à des attaques chimiques au gaz sarin ou moutarde.
Des cartes et des images. Dans ce conflit, les Etats-Unis de Ronald Reagan avaient rapidement choisi leur camp. En effet, les contentieux se multipliaient à l’époque avec la République islamique, notamment suite à la crise de la prise d’otages de l’ambassade américaine à Téhéran, raconté dans le film Argo. Selon Foreign Policy, les services de renseignement ont donc fourni de précieuses informations au gouvernement irakien, telles que des images satellites et des cartes des mouvements de troupes ou de sites logistiques. Des données que Saddam Hussein a pu exploiter lors des grandes offensives de l’année 1988 qui ont contribué à faire basculer la guerre et à amener l’Iran de l’ayatollah Khomeinei à la table des négociations. L’administration américaine a toujours affirmé que les responsables irakiens ne l’avaient jamais mise au courant de l’utilisation de neurotoxiques. “Les Irakiens ne nous ont jamais dit qu’ils avaient l’intention d’utiliser un gaz neurotoxique. Ils n’avaient pas besoin de le faire. Nous savions déjà”, témoigne le colonel Rick Francona, un ancien de l’armée de l’air américaine, interrogé par le magazine américain.
Les USA au courant dès 1983. Selon les documents de la CIA et de plusieurs membres du renseignement, l’administration américaine avaient pourtant des preuves concrètes dès 1983. A l’époque, l’Iran avait déjà alerté l’opinion publique internationale sur l’utilisation d’armes chimiques contre ses troupes. Mais d’après Foreign Policy, Reagan a laissé faire pour préserver les intérêts américains. De hauts responsables de la CIA, dont son patron de l’époque, William J. Casey, un ami proche du président, aurait ainsi été informé d’informations concordantes : l’emplacement d’usines de fabrication d’armes chimiques, d’une production accrue de gaz moutarde afin d’alimenter les troupes irakiennes, l’achat à l’Italie d’équipement permettant d’accélérer la production d’obus pouvant contenir des agents neurotoxiques. Des accusations d’autant plus graves que l’utilisation d’armes chimiques est interdite par le protocole de Genève de 1925. Si l’Irak n’a jamais ratifié le protocole, les Etats-Unis sont signataires depuis 1975.
Des bombardements en 1988. Selon le colonel Francona, la CIA avait en 1987 des indications claires que des troupes iraniennes, avec du matériel militaire, étaient proximité de Bassorah et qu’ils avaient trouvé une faiblesse dans la défense irakienne. Les Etats-Unis ont alors craint une défaite irakienne ce qui, à l’époque, était “inenvisageable”. C’est à ce moment là qu’au plus haut sommet de l’état américain, des informations ont été délivrées, rapporte Foreign Policy. Des bombardements massifs ont ensuite eu lieu. L’un d’eux est resté tristement célèbre : celui d’Halabja contre la population kurde qui a fait près de 5.000 victimes.
>>> Les documents de la CIA obtenus par Foreign Policy :
– CIA Confirms Iraq Used Nerve Agent
– Intelligence Assessment of Iraqi Chemical Weapons Program » Charles Carrasco