Présidentielle : Une élection absurde QUAND LES SIGNES FONT SENS
Rarement en notre pays, l’écart entre le contenu des discours politiques et les attentes des citoyens aura été aussi large. La « forme » même des propositions portées par les responsables des divers partis, leur mise en scène, contribue à dévaluer, au delà de ces personnages, le contenu même de la politique. Une affiche électorale, croisée en un coin de rue il y a quelques semaines m’a frappé. On y voyait le visage inspiré du candidat du Front de Gauche, barré de son seul nom avec, en sous-titre, l’adresse de son site internet. Pas davantage. Que celui qui prétend incarner les idées parmi les plus « radicales » dans le débat actuel, emploie pareille méthode a quelque chose d’affligeant. Que dire alors des autres qui abusent jusqu’à la nausée les mêmes ficelles et mettent en avant leurs compagnes, leurs familles, leurs vêtures ou leurs animaux de compagnie à l’imitation du « modèle » étasunien ?
On doit reconnaître que le mal est ancien, que le Parti Socialiste depuis ses abandons de 1983, le Parti Communiste depuis l’effondrement soviétique, la droite depuis les prestations musicales d’un Giscard d’Estaing, y ont pris une part décisive.
On est là fort loin de l’anecdote, on est dans l’empire des signes qui font sens. Ceux la même qui ont fait, il y a quelques années et pour initier leur carrière, de la revendication d’une VIème République leur fond de commerce, n’échappent pas à la règle commune. Qu’est devenue par exemple cette exigence dans le parcours d’un Montebourg, cumulard notoire, rallié sans principe à la candidature Hollande après avoir mobilisé la gauche du PS au cours des élections primaires à la présidentielle ?
La triste vérité est que l’on ne peut attendre une réforme constitutionnelle de ceux qui sont les uniques bénéficiaires du système actuel. A ce propos on omet trop souvent que les Constitutions de nos cinq républiques successives sont TOUTES nées des soubresauts de l’histoire : révolution de 1789 et de 1848, effondrement du second empire et commune de Paris, deuxième guerre mondiale et guerre coloniale... Il n’y a pas de hasard.
L’établissement d’une véritable Constitution pour une VIème République qui ne serait pas un gadget ne saurait être une revendication parmi d’autres. Un exemple récent nous conduit à cette constatation et m’est venu après la lecture du dernier article (La Constituante et la Présidentielle) qu’Anne-Cécile Robert vient de consacrer à ces problèmes. Après le referendum de 2005 consacré à la Constitution européenne, beaucoup ont pensé pouvoir transformer la large victoire du « non », en base politique pour aboutir à la présentation d’un candidat unique de la gauche antilibérale aux élections présidentielles qui se présentaient deux années plus tard. Je l’avoue, je fus de ces gens. Nous passâmes des nuits entières à élaborer, de compromis en compromis et d’assemblées générales en cénacles, un « programme » commun. On en connaît le résultat : les scores calamiteux de José Bové et de Marie-Georges Buffet. Or, dans le concert de cette mouvance politique, mon groupe de l’époque, le MARS, a tenté de trouver un candidat dont la première et peut-être la seule proposition serait, en cas d’élection, la dissolution de l’Assemblée Nationale, la convocation d’une Constituante et la propre démission de notre candidat de la présidence de la République. On imagine notre succès : nous n’en avons trouvé aucun.
L’établissement d’une Assemblée Constituante et partant le retour à la souveraineté du peuple serait un tel bouleversement qu’ils ne peuvent procéder que du mouvement du peuple lui-même et d’une rupture politique décisive.
Dès lors, notre combat ne peut se mener efficacement, que sur le terrain des idées, celui de la reconquête idéologique, dans une vision gramscienne de la politique.
Sans doute, rétorquera-t-on, faudra-t-il avancer de pair un programme de transformation sociale et économique clivant avec l’idéologie dominant qui, du PS à l’UMP, surplombe tout débat et bloque toute alternative. Mais comment ne pas voir que l’addition sempiternelle de revendications partielles n’a jamais fait programme ? Et pas plus en 1981, après la bataille du programme commun de la gauche, qu’aujourd’hui. Le puissant mouvement sur les retraites l’a bien involontairement démontré.
Une seule proposition est fédératrice peut transcender des clivages devenus inopérants (Mitterrand n’a-t-il revêtu avec grâce les habits taillés par et pour De Gaulle ?), c’est l’exigence d’une Constituante.
Elle seule permet de poser au devant le moyen de remédier au mal qui ronge ce pays : la disqualification du politique.
Michel Naudy, président du Cercle Lakanal
http://sites.google.com/site/lecerclelakanal/