« WikiLeaks : Nicolas Sarkozy, "l’Américain" ». Par Rémy Ourdan

, par  J.G.
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« L’homme fascine les Américains autant qu’il leur raconte être fasciné par l’Amérique. Il est le "président le plus pro-américain depuis la seconde guerre mondiale". Depuis longtemps, les diplomates de Washington ont suivi pas à pas, élogieux et enthousiastes, l’ascension de Nicolas Sarkozy "l’iconoclaste", dont ils adorent, selon un télégramme, "le libéralisme, l’atlantisme et le communautarisme".

Les câbles diplomatiques du département d’État obtenus par WikiLeaks et révélés par Le Monde témoignent d’une longue fascination américaine pour le successeur de Jacques Chirac. Un homme que Washington connaît bien. On découvre dans ces mémos que Nicolas Sarkozy et ses conseillers fréquentent assidument l’ambassade américaine de Paris, ainsi que les dignitaires américains de passage en France.

Signe de cette proximité, Nicolas Sarkozy, qui n’avait certes pas fait mystère qu’il pensait à la présidentielle "pas seulement en se rasant" et qui ne masquait pas ses ambitions, annonce sa candidature aux Américains le 1er août 2005, soit seize mois avant qu’il ne l’annonce, le 29 novembre 2006, au peuple français. "Je vais être candidat en 2007", confirme M. Sarkozy à l’ambassadeur Craig Stapleton et au conseiller économique du président Bush, Allan Hubbard. Pour la France, c’est déjà à l’époque une évidence, mais encore non déclarée. Pour les Américains, cette confirmation avant l’heure est une marque de confiance.

L’"ADMIRATION POUR BUSH"

Nicolas Sarkozy fait, lors de ce rendez-vous, une véritable déclaration d’amour aux Américains. "Sarkozy a exprimé son admiration pour le président Bush, écrit l’ambassadeur. Sarkozy a dit que, comme le président [Bush], lui aussi mettait un point d’honneur à tenir sa parole et à affronter honnêtement les problèmes réels de son pays."

Le ministre de l’intérieur n’hésite pas à critiquer la position diplomatique française devant des officiels étrangers. "Sarkozy s’est lamenté de l’état troublé des relations entre les États-Unis et la France au cours des dernières années, écrit le diplomate. Affirmant que c’est quelque chose que lui ’ne ferait jamais’, il a évoqué l’utilisation, par Chirac et Villepin, du veto de la France au Conseil de sécurité [de l’ONU] contre les États-Unis en février 2002 [sur l’invasion de l’Irak] comme étant une réaction injustifiable et excessive."

Ajoutant qu’il aurait "conseillé aux États-Unis de ne pas se lancer dans l’invasion et l’occupation de l’Irak", il déclare, selon l’ambassadeur, que cela ne l’empêche pas de "ressentir personnellement la mort de soldats américains au combat".

Nicolas Sarkozy, toujours à l’occasion du passage d’Allan Hubbard, devient plus personnel. "’Ils m’appellent ’Sarkozy l’Américain’, a-t-il dit. ’Eux considèrent que c’est une insulte, mais je le prends comme un compliment’. Sarkozy a souligné à quel point il ’se reconnaît’ dans les valeurs américaines", écrit le diplomate. "Il a raconté que, lorsqu’il était enfant, il a dit à son père qu’il souhaitait devenir président. Son père d’origine hongroise a rétorqué ’dans ce cas, vas en Amérique, parce qu’avec un nom comme Sarkozy, tu n’y parviendras jamais ici’. Prouver que c’était faux, a dit Sarkozy, est la pierre angulaire de ses efforts à la fois pour réussir [à devenir président] et à transformer la France."

L’ambassadeur en conclut que "Sarkozy est viscéralement pro-américain" et qu’"il voit sa propre ascension comme étant le reflet d’une saga à l’américaine".

L’IRAK, "PEUT-ÊTRE"

Nicolas Sarkozy, opposé donc à la fois à la guerre américaine en Irak et au veto de la France, va plus loin l’année suivante, en 2006, lors d’un passage à Paris du ministre de la justice du président Bush, Alberto Gonzales. Il sous-entend qu’une fois élu, il pourrait envoyer l’armée française en Irak. "Sarkozy a déclaré que la France et la communauté internationale allaient devoir aider les États-Unis à résoudre la situation en Irak. Peut-être en remplaçant l’armée américaine par une force internationale", écrit l’ambassadeur.

A cette époque, les conseillers du ministre de l’intérieur et chef de l’UMP fréquentent beaucoup l’ambassade américaine, n’hésitant pas à critiquer vivement le président, Jacques Chirac, et le premier ministre, Dominique de Villepin, pour le plus vif plaisir de leurs interlocuteurs.

Si François Fillon indique plutôt sobrement qu’à son avis, "un gouvernement Sarkozy serait plus apte à travailler avec les États-Unis", d’autres promettent des changements radicaux.

Patrick Devedjian évoque ainsi "une nouvelle volonté française, sous une administration Sarkozy, de soutenir plus activement les objectifs américains en Irak", et se plaint que "les Français ne s’intéressent pas à l’OTAN", écrit l’ambassade. Lors des manifestations de rues contre le gouvernement Villepin, M. Devedjian revient à l’ambassade, triomphal, annoncer "la mort des ambitions présidentielles de Villepin". Brice Hortefeux est également souvent cité.

Quand à Hervé de Charrette, alors chargé des relations internationales à l’UMP, il prend, deux ans avant la présidentielle, "l’initiative remarquable", précise le télégramme, d’appeler l’ambassadeur Howard Leach pour parler d’"amitié" et de "coopération", dénoncer "l’embarras" causé aux relations franco-américaines par M. Chirac, et promettre que l’UMP veut que "la relation avec les États-Unis soit la base de la diplomatie de la France". "Le geste sans précédent de Charrette est à notre connaissance effectué au nom du président de l’UMP, Nicolas Sarkozy. Les opinions qu’il exprime sont clairement, s’enthousiasme le diplomate, celles de l’homme politique le mieux placé pour mettre un terme à la présidence Chirac."

"UNE PRÉSIDENCE DE DIX ANS"

Ces contacts multiples permettent à l’ambassade américaine d’écrire, peu avant la déclaration de candidature de M. Sarkozy, un long portrait dithyrambique intitulé "L’homme qui pourrait changer la France". "Il est pro-américain et acquis aux principes du libre-marché. (…) Il est associé à des mesures dures de lutte contre le crime et le terrorisme. (…) Il est vigoureux sur le besoin pour la France de dépasser ses réflexes anti-américains. (…) Sarkozy est l’homme politique français qui soutient le plus le rôle des États-Unis dans le monde. (…) Son sobriquet est ’Sarkozy l’Américain’, et son affinité avec l’Amérique est authentique et vient du fond du cœur." L’ambassadeur se laisse alors emporter par son enthousiasme et imagine déjà "un double mandat, une présidence de dix ans".

C’est aussi le moment où Nicolas Sarkozy va, pour la première fois, brièvement rencontrer George Bush. Tout est soigneusement préparé par l’ambassade : lors d’un entretien à la Maison Blanche avec le conseiller à la sécurité nationale, Stephen Hadley, il est prévu que M. Bush "fasse un saut" dans le bureau afin de saluer M. Sarkozy. "Sarkozy a témoigné de sa gratitude envers le président pour trouver un moment dans son agenda. Sarkozy a dit qu’il se sent ’fier et honoré de rencontrer le président Bush’. Sarkozy a confié que le président Chirac a fait pression sur lui pour ’ne pas aller aux États-Unis’, mais que lui croit qu’une rencontre avec le président est appropriée et importante. Sarkozy a expliqué qu’il estime que c’est une opportunité d’’affirmer [sa] loyale amitié envers les États-Unis’", indique le télégramme.

"PRENDRE SARKOZY AU MOT"

Le 6 mai 2007, "à 20h05, heure de Paris, précise l’ambassade, le président Bush a appelé le président élu Sarkozy pour le féliciter" de son élection à la présidence de la France. Une nouvelle ère dans les relations franco-américaines, espère Washington, peut commencer.

Le premier télégramme émanant de l’ambassade américaine de Paris après l’élection de Nicolas Sarkozy propose à Washington d’examiner "cinq enjeux immédiats de politique étrangère" dès l’entrée en fonction du nouveau gouvernement français : l’Iran ("Sarkozy perçoit l’Iran comme la plus sérieuse menace internationale") ; l’Afghanistan (pour combattre "l’impression, partagée par Chirac, que l’Afghanistan est une cause perdue") ; l’Irak ("Il faut prendre Sarkozy au mot lorsqu’il dit ’souhaiter aider les États-Unis à sortir d’Irak’", écrit l’ambassade, mais "sans nourrir l’accusation d’être ‘un caniche du président Bush’, qui pourrait inciter le gouvernement français à ne pas changer de politique") ; l’Union européenne et la Turquie ("Si un changement apparaît peu probable, vue l’identification politique de Sarkozy à son opposition à une adhésion de la Turquie, nous devrions le persuader de tempérer sa rhétorique, de ne pas fermer complètement la porte") ; le Kosovo et la Russie ("L’importance d’un front commun au Conseil de sécurité de l’ONU sur l’indépendance du Kosovo").

Les Américains n’ont que deux problèmes avec le programme du président élu : "Sarkozy a fait glisser les désaccords franco-américains de l’Irak et d’Israël-Palestine au changement climatique et à l’adhésion de la Turquie à l’UE", écrit l’ambassadeur.

Une troisième inquiétude est une déclaration du candidat indiquant que "le rôle de la France en Afghanistan n’est plus ’décisif’ et que les forces françaises, s’inquiète l’ambassade, ne resteraient pas là-bas pour toujours".

"UN NOVICE"

L’ambassade américaine ne se cantonne toutefois pas à l’enthousiasme débridé avec lequel elle a accompagné l’ascension de Nicolas Sarkozy. Certes, "Sarkozy est instinctivement pro-américain et pro-israélien" et souhaite "renouer une relation de confiance avec les États-Unis", mais un portrait, intitulé "Un novice", précise que "Sarkozy a très peu d’expérience en politique étrangère et parle un anglais très limité".

Les Américains suivent les premiers pas du président français au jour le jour. Et, le 6 juin à Heiligendamm, c’est la première réunion au sommet, entre George Bush et Nicolas Sarkozy. "Il est essentiel que le président [Bush] soulève deux questions pendant cette première rencontre, l’Afghanistan et l’Irak", écrivent les diplomates américains. "Le directeur politique du Quai-d’Orsay, [Gérard] Araud, nous a conseillé d’essayer d’éloigner au plus tôt Sarkozy de la vue pessimiste de Chirac sur l’Afghanistan."

L’"AFFINITÉ POUR ISRAËL"

L’autre question essentielle pour les Américains est le Proche-Orient. Après une analyse sur "le traditionnel centre de gravité pro-arabe" de la France et une critique acérée de "l’inertie bureaucratique" du ministère des affaires étrangères ("Un vétéran arabisant du Quai nous a dit que ’la France a une certaine politique arabe qui est beaucoup plus importante que M. Sarkozy et son gouvernement’"), l’ambassade, évoquant Liban, Syrie et Palestine, transmet ses recommandations à l’équipe Bush à Washington : "Notre objectif est que ce type d’arguments ne prenne pas racine dans l’équipe Sarkozy. Ce n’est pas inévitable."

Elle note que "l’héritage juif de Sarkozy et son affinité pour Israël sont célèbres", et que de surcroît il vient de nommer à la tête du Quai d’Orsay Bernard Kouchner, "le premier ministre des affaires étrangères juif de la Ve République". Sur le conflit israélo-palestinien, espère l’ambassade, "même un léger glissement dans le fondement intellectuel aura des conséquences sismiques".

L’ambassade américaine est très satisfaite du premier gouvernement Sarkozy. Celui qui bénéficie du portrait le plus flatteur est Bernard Kouchner : "L’humanitaire de renommée mondiale", "l’un des rares politiques (de gauche ou de droite) à avoir soutenu ouvertement l’invasion américaine de l’Irak", voit sa vie passée au crible : le télégramme retrace pays par pays les voyages du "champion des causes humanitaires", puis sa carrière politique, sous François Mitterrand. Elle loue sa "compétence" et son "dévouement" comme chef de l’ONU au Kosovo. L’ambassade estime que "la nomination de Kouchner pour diriger le Quai d’Orsay représente l’accomplissement du rêve d’une vie"

Les diplomates américains se félicitent aussi de la nomination de "l’ambassadeur aux États-Unis" Jean-David Lévitte comme conseiller diplomatique à l’Elysée, d’Hervé Morin au ministère de la défense ("Proche de l’ambassade, amical et direct, il assume son affection pour les États-Unis et est parmi les plus atlantistes des députés"), ainsi que de l’entrée au gouvernement de "l’un des plus vieux amis et alliés politiques de Sarkozy", Brice Hortefeux ("Il a maintenu des liens très étroits avec l’ambassade depuis des années, même s’il est en privé un critique sévère de la politique du président Bush en Irak").

"MAGNIFIÉ PAR KOUCHNER"

L’ambassade note très vite que celui qu’elle considérait comme "un novice" quelques semaines auparavant "a fermement placé la politique étrangère sous son contrôle personnel à l’Elysée". Si "l’engagement international de la France" est "magnifié par Kouchner", il devient clair que le président Sarkozy et ses conseillers décident de tout.

Les télégrammes diplomatiques louent "l’énergie et la détermination" du président. Au-delà de leur enthousiasme général et de leurs deux réserves sur le climat et la Turquie, les Américains notent deux variations rapides par rapport à ce qu’ils attendaient de M.Sarkozy.

Premièrement, ils sont vite rassurés sur "le maintien de l’engagement français en Afghanistan". Deuxièmement, ils constatent, un brin dépités, que même si "Sarkozy propose un impressionnant programme de réformes économiques en France, il n’est pas un libre-échangiste". Ils ont enfin une inquiétude, qui pointe en ce début de mandat présidentie : la Syrie.

"UN DÉSIR DE PROVOQUER"

Au-delà des relations franco-américaines et des dossiers prioritaires, Washington suit de près les premières aventures de Nicolas Sarkozy à l’étranger. Son discours de Dakar sur l’Afrique est perçu comme "un désir de provoquer". La libération des infirmières bulgares de Libye donne lieu à des télégrammes où l’on croit percevoir un brin de moquerie : "L’Elysée considère cela comme un triomphe diplomatique, et Sarkozy est très heureux du ’succès colossal’ de son initiative libyenne."

Plus tard, les Américains se délecteront des "faux pas" de M. Sarkozy en visite chez leur allié saoudien. "Le président Sarkozy a été perçu comme inélégant par les Saoudiens en affichant son ennui lors de la cérémonie d’arrivée ou en refusant de goûter un repas traditionnel arabe."

La première visite de Nicolas Sarkozy aux États-Unis, en novembre 2007, donne lieu à de longs télégrammes préparatoires. Les diplomates préviennent qu’en France, "l’image de machine bien huilée [du gouvernement] a souffert, depuis que Sarkozy a réprimandé à répétition les membres de son équipe, y compris son propre premier ministre".

Ce sont les premiers commentaires sur un Sarkozy "susceptible et autoritaire". Ils notent aussi que "l’équilibre" personnel du président pourrait être atteint par son "récent divorce" : "Sarkozy lui-même a parlé de sa dépendance envers Cécilia, ’ma force et mon talon d’Achille’, comme il dit." Ils préviennent Washington que M. Sarkozy est "très irritable", mais parient sur "sa capacité à rebondir".

Plus tard, après sa rencontre avec "le supermodel" Carla Bruni, les diplomates américains noteront son style "non présidentiel" et "ses inclinations pour les paillettes".

"UNE ALLIANCE, PAS UN ALIGNEMENT"

Pour les Américains, l’essentiel est que la lune de miel diplomatique continue. S’ils notent que Paris définit les relations avec Washington comme "une alliance, pas un alignement", ils n’ont quasiment que des motifs de satisfaction : "une approche durcie envers la Russie et l’Iran", "un possible retour dans l’OTAN", et, concernant les deux guerres américaines, "un inversement du soutien auparavant déclinant sur l’Afghanistan" et "un changement spectaculaire de politique sur l’Irak".

Car entretemps, il y a eu, pendant que les présidents Sarkozy et Bush se retrouvaient dans le Maine, le voyage de Bernard Kouchner à Bagdad. Le ministre français avait certes "emporté avec lui une copie d’une tribune écrite avant l’invasion et titrée "Ni Saddam ni la guerre", pour corriger la fausse impression qu’il avait soutenu l’invasion militaire américaine", mais pour Washington, cette visite est historique.

Elle symbolise, au même titre que "la possible réintégration complète dans l’OTAN", la "rupture" sur le plan international. Le seul interlocuteur irakien qui, devant M. Kouchner, appelle à la fin de l’occupation militaire américaine, se voit répondre par le ministre que "les Américains sont là, et devront à l’évidence faire partie de la solution" en Irak. Les diplomates de Washington exultent.

Après ce voyage à Bagdad, et même s’ils évoquent encore son activisme sur le Liban ou le Darfour, les Américains notent la fin des espoirs de Bernard Kouchner de jouer un rôle majeur. "Sarkozy a concentré à un degré sans précédent tous les pouvoirs à l’Elysée, écrit un diplomate. Le secrétaire général Claude Guéant et le conseiller diplomatique Jean-David Levitte ont acquis plus d’influence que Kouchner." L’une des preuves en est, selon un télégramme, la politique de la main tendue à Damas : pour Washington, M.Kouchner a perdu le bras de fer avec l’Elysée sur le Liban.

De même qu’ils constatent cette centralisation des décisions de politique étrangère à l’Elysée, les Américains sont impressionnés par "les pouvoirs sans partage" du président français.

"SPECTACULAIREMENT IMPOPULAIRE"

Après avoir longuement analysé le premier discours du président à la conférence des ambassadeurs en 2007, dans lequel elle avait évidemment relevé avec satisfaction la phrase sur "l’alternative catastrophique : la bombe iranienne ou le bombardement de l’Iran", l’ambassade de Paris examine à la loupe ses vœux du Nouvel An 2008 au corps diplomatique, et se réjouit de la référence au "retour de la France au cœur de la famille occidentale". La relation franco-américaine est au beau fixe. Nicolas Sarkozy a "repositionné la France aux côtés des États-Unis, et non plus en alternative du leadership américain".

Même si les diplomates américains semblent abasourdis qu’en si peu de temps, en France, "une candidature si spectaculairement réussie à la présidentielle" se soit transformée en "une présidence spectaculairement impopulaire", ils insistent sur le fait que M.Sarkozy, au-delà de "son identification personnelle avec les valeurs américaines", reste ferme, au risque de l’impopularité, sur les principaux dossiers de la coopération franco-américaine : "la ligne dure sur l’Iran", "l’intention répétée de rénover la relation de la France avec l’OTAN" et "l’engagement militaire croissant en Afghanistan".

Sur l’OTAN, les diplomates américains en savent à l’époque déjà plus que les citoyens français : "Les plus proches conseillers de Sarkozy ont été clairs sur le fait qu’il a déjà pris la décision de réintégrer la France dans le commandement militaire intégré." Ils constatent en revanche définitivement que Paris n’enverra pas de troupes en Irak.

"PERSONNE POUR LUI DIRE ’NON’"

La relation franco-américaine étant rétablie, l’ambassade constate, lorsque le président français préside l’UE, que "la priorité de Sarkozy est l’Europe". Les affaires européennes, de même que les relations avec la Russie et l’intervention diplomatique lors de la guerre en Géorgie, sont commentées au jour le jour. Washington suit également de près l’attitude de la France sur le dossier libano-syrien. Les diplomates américains pensent que "la présidence française de l’UE a été acclamée" et sont rassurés par le fait que "même opposé verbalement à une adhésion turque, Sarkozy a fait preuve de pragmatisme".

A propos de la Turquie, les diplomates américains rapportent un épisode étonnant, dans un télégramme intitulé "Personne pour lui dire ’non’", consacré à des conseillers de l’Elysée "qui évitent de contredire le président ou de provoquer son mécontentement" : "Ils ont détourné l’avion du président pour éviter qu’il voit la tour Eiffel éclairée aux couleurs de la Turquie à l’occasion de la visite du premier ministre Erdogan (une décision prise par la mairie de Paris)." Le "mauvais caractère" de Nicolas Sarkozy est évoqué. D’autres télégrammes le décrivent comme "frénétique" ou "impulsif".

"LE PARTENAIRE"

Barack Obama est entré à la Maison Blanche, et doit rencontrer Nicolas Sarkozy à l’occasion du sommet de l’OTAN. "Votre visite intervient à un moment historique, écrit l’ambassadeur au président des États-Unis. Nicolas Sarkozy est le président français le plus pro-américain depuis la Seconde guerre mondiale, il est actuellement le dirigeant le plus influent en Europe, et votre prestige nous offre une opportunité sans précédent de cimenter les changements positifs déjà intervenus."

Il prévient que M. Sarkozy est "un pragmatique brillant, impatient, non diplomate, imprévisible, charmant, innovant" pour lequel "le rapport personnel a un impact" sur la relation politique. Et que M. Sarkozy "espère un contact régulier intense" avec M. Obama.

C’est le contraire qui se produit. Après la relation forte avec George Bush, des "officiels français" évoquent devant les Américains la relation distante entre les présidents Sarkozy et Obama. Toutefois, l’époque demeure "l’une des meilleures périodes dans les relations franco-américaines". Et Nicolas Sarkozy reste "LE partenaire des États-Unis en Europe". »

Article de Rémy Ourdan, lemonde.fr, le 30/11/10.

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