BHL, ou la honte de la philosophie française contemporaine
Depuis les années 70 où, fort de ses appuis financiers et médiatiques, ce fulminant personnage occupe les devants de la scène, les médias de la vraie droite et de la gauche « bobo anti-coco » nous présentent B.-H. Lévy comme le Sartre de notre temps. Il est vrai que la place lui est quelquefois disputée par son ami, quelque peu en baisse de régime ces dernières années, André Glucksmann (l’ex-patron de la Gauche prolétarienne aujourd’hui décoré par Sarkozy, qui trouvait admissible la « seconde mort de l’humanité » à l’époque où Reagan préparait allègrement la guerre nucléaire totale contre l’ « Empire du Mal » soviétique !). Mais qu’on se rassure : ancien ministre de l’Éducation qui a brisé les retraites des enseignants et dénationalisé les ATOS, Luc Ferry n’est plus en état de concourir pour le podium depuis qu’il s’est livré sur les médias à un déballage imprudent, et combien« philosophique ».
Qu’importe que le personnage n’ait jamais produit un concept nouveau et que son « antitotalitarisme » confusionniste mette dans le même sac les nazis fauteurs de Shoah et l’URSS dont De Gaulle disait en 1966 : « les Français savent que c’est la Russie soviétique qui a joué le rôle principal dans leur libération ».
Peu importe, car ce qui compte pour la bourgeoisie et pour ses ours savants de la social-eurocratie, ce n’est pas que BHL soit un bon philosophe, ni même un philosophe tout court.
Ce qui compte c’est qu’il justifie à tous crins le « droit d’ingérence » des puissances impérialistes du nord et de l’ouest contre les États qui leur déplaisent au Sud et à l’Est. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ? Connais pas ! L’égalité entre les nations ? Une vieillerie ! La guerre devient aussitôt « humanitaire » quand elle est menée par les milliardaires dont ce monsieur est fort proche, contre les bouseux du tiers-monde forcément terroristes, surtout s’ils ont quelques velléités de nationaliser le pétrole qui jaillit de leur sol, en privant inhumainement les grandes sociétés capitalistes.
L’homme a un avantage majeur qui fait que, quoi qu’il écrive, il sera toujours « grand philosophe » : il est anticommuniste, il hait le régime cubain, il a les yeux de Chimène pour les exactions de Tsahal, et il n’aime les résolutions de l’ONU que lorsqu’elles ne visent pas l’État d’Israël qui les viole depuis des décennies aux dépens du peuple palestinien.
N’est-il pas en outre très méfiant à l’encontre de l’idée de souveraineté nationale à une époque où la grande bourgeoisie s’efforce de construire un Empire euro-atlantique sur le dos des peuples et des travailleurs de tout notre sous-continent ?
Alors, après avoir entraîné le président en titre, à la recherche d’une « rédemption » médiatique pour l’attitude inqualifiable d’Alliot-Marie et Cie dans l’affaire tunisienne, à faire la guerre contre le peuple libyen en outrepassant grossièrement la résolution de l’ONU, voilà maintenant, autre bonne action, qu’il est prêt pratiquement, avec Kouchner, Amara et Fabius, à « rouler des mécaniques » contre la Syrie.
Le peuple de Gaza peut crever, celui du Bahreïn envahi par la si démocratique Arabie saoudite peut ravaler sa révolution, que lui importe : Netanyahou et la monarchie saoudienne sont du bon côté du manche, du côté qui s’ingère et non du côté qui est « ingéré » par le cannibalisme financier surarmé.
Et qu’on ne nous dise pas que, disant cela, nous cautionnerions tel ou tel régime que vous et vos pareils n’êtes jamais en peine de cautionner tant qu’ils ont l’intelligence de rester sagement dans le camp de l’impérialisme états-unien, votre guide et votre modèle. Tout bonnement, cette question restera hors sujet tant que les maxi-bandits de l’impérialisme occidental, qui sont responsable de l’ordre économique mondial où 300 personnes possèdent autant que les deux milliards d’hommes les plus pauvres de la Terre, prétendront jouer les justiciers en signifiant aux peuples que certains sont majeurs et que d’autres doivent éternellement rester sous la tutelle des gentils bwanas kouchnérisés et dépoitraillés qui ont remplacé la mission évangélique de l’Église de jadis par l’exportation des plans d’ajustement structurel…, par le blabla sur les droits de l’homme made in Wall Street et par la razzia sur les matières premières de ces affreux pays qui-ne-connaissent-pas-la-vraie-démocratie !
Quant à la France, que des millions de gens soient contraints au chômage par la faute de la politique sarkozyste, qu’au nom de l’euro fort et des sacro-saints« marchés financiers » on y détruise, comme en Grèce, berceau de la philosophie et de l’Europe des Lumières, les derniers acquis sociaux, les derniers emplois industriels et les derniers services publics, que des milliers d’éleveurs laitiers, de marins-pêcheurs, de salariés des ex-services publics, de chômeurs traités d’assistés soient plongés dans la dépression et les idées noires étant donné la manière dont on les casse au boulot, le Sire de BHL –qui n’a jamais réellement TRIMé de sa jolie vie dorée-, n’en a que faire : « populisme » que tout cela !
Et c’est pourquoi les vrais philosophes de ce pays, qui sont encore nombreux à respecter leur discipline, à préférer la paix à la guerre et le droit des peuples à vivre sans l’ingérence constante des impérialismes occidentaux, se doivent de réagir d’urgence.
PAS CA ET PAS EN NOTRE NOM s’il vous plait !
Sartre n’était pas du côté des impérialistes et des néo-colonialistes : loin de plastronner dans les médias et de rouler sur l’or, il prenait des risques physiques, à côté bien souvent des communistes, que ce soit pendant la Résistance en écrivant dans Les Lettres françaises clandestines ou en préfaçant La Question interdite d’Henri Alleg aux éditions de Minuit.
Vous n’êtes pas le nouveau Sartre, Monseigneur de BHL, vous êtes l’anti-Sartre par excellence et la honte des philosophes qui, dans notre pays, s’inscrivent encore dans la tradition des Lumières et de la Commune de Paris, contre l’exploitation capitaliste, contre l’impérialisme et pour une société réellement démocratique parce que faisant toute sa place, centrale, à cette immense majorité de citoyens qui vivent, ou qui voudraient tant vivre de leur travail.
Que d’autres que moi s’expriment sur la place publique, qu’ils osent encourir vos foudres et qu’ils rejettent avec le mépris qui convient votre indécent tapage qui n’affiche l’étiquette philosophique que pour mieux crier la guerre et la domination.
Georges Gastaud, philosophe.