Un décret ignoré
Le 29 décembre, jour où les citoyens pensent à autre chose, un décret stupéfiant a été publié [1].
À titre expérimental les préfets du Haut-Rhin, du Bas-Rhin, du Lot et de la Creuse ainsi que les représentants de l’État sur les territoires de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin sont autorisés à prendre des arrêtés qui dérogent à la réglementation nationale. Cette autorisation touche de vastes domaines et notamment les subventions aux acteurs économiques, l’aménagement du territoire et la politique de la ville, l’environnement, l’emploi, la protection du patrimoine culturel et les activités sportives.
L’effet immédiat d’une telle pratique qui a évidemment vocation à être généralisée est de faire passer le pouvoir réglementaire des mains du gouvernement à celles de la haute administration qui n’est pas responsable devant le peuple. Il s’agit tout bonnement d’aider au développement de droits publics locaux contraires ou différents du droit public national, c’est-à-dire non seulement de tolérer mais d’encourager des particularismes.
La philosophie de ce texte est simple. Les règles de Droit ont vocation à être ignorées ou contredites dès lors qu’elles sont estimées contraires au confort immédiat des assujettis, confort matériel ou confort intellectuel. Peu importe qu’une minorité soit lésée dès lors que les experts sont d’accord entre eux. Peu importe qu’il n’ y ait plus, en matière de construction, de remblayage, de mise en place de ronds-points, d’aménagements du stade municipal, d’ouverture ou de fermetures des grandes surfaces et dans bien d’autres domaines, la moindre sécurité juridique. C’est demain qui compte, pas après-demain.
Le décret du 29 décembre ouvre la voie à une illusion de décentralisation. La décentralisation suppose que les pouvoirs locaux soient exercés par les citoyens dans un cadre défini et selon des procédures qui permettent à chacun de se faire entendre. Le Décret du 29 décembre 2017 donne pouvoir de dérogation à l’administration préfectorale. C’est une forme de retour au bon vouloir du prince délégué.