La « démocratie » sous Macron et la constitution de la Ve « République »...

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« Docile envers l’Union européenne qui recommande cette réforme mais inapte à convaincre les Français et leurs députés, M. Macron a choisi de passer en force. Il a utilisé toutes les munitions imaginables pour limiter la durée des débats parlementaires (article 47-1 de la Constitution), pour clôturer les discussions sur un article dès lors qu’ “au moins deux orateurs d’avis contraires sont intervenus” (article 38 du règlement du Sénat, utilisé pour la première fois depuis son entrée en vigueur en 2015), pour obliger les sénateurs à se prononcer d’un bloc sur la réforme, et non pas article par article (article 44-3). Enfin, le 16 mars 2023, le gouvernement de Mme Élisabeth Borne a dégainé le fameux “49-3”, qui autorise à se dispenser du vote des députés. Une méthode originale pour un président qui aime se camper en hérault du monde libre et fustiger à longueur de discours les “autocrates”, les “régimes autoritaires” où l’avis de la population ne compte pas, où le Parlement joue un rôle croupion, où l’opposition est réduite au silence.

Finalement, sa réforme des retraites, qui engage la vie des Français sur plusieurs décennies, n’aura été votée que par des sénateurs élus au suffrage indirect, qui ont veillé à protéger leur propre régime spécial au moment où ils supprimaient ceux des autres. Les deux années de travail supplémentaire imposées sans approbation de l’Assemblée nationale reposent ainsi sur la seule légitimité d’une institution dominée par un parti (Les Républicains) qui n’a pas dépassé 5 % des voix lors de la dernière élection présidentielle, et d’où deux des principales formations (le Rassemblement national [RN] et La France insoumise [LFI]) sont absentes…

M. Macron, lui, ne voit pas le problème : la réforme figurait dans son programme présidentiel, il a remporté le scrutin, c’est donc que les Français l’approuvent. La “foule” n’a “pas de légitimité face au peuple qui s’exprime à travers ses élus”, pérorait-il encore le 21 mars dernier. Il y a un an, lors du premier tour de l’élection présidentielle, l’enjeu des retraites avait été à peine discuté — d’autant que M. Macron refusa alors de débattre avec ses concurrents —, relégué derrière l’immigration, la guerre en Ukraine, l’insécurité… Et le président sortant n’a obtenu les voix que de 20,7 % des inscrits. Quant au second tour, sa victoire découle largement d’un vote par défaut, comme il l’a reconnu lui-même au soir du 24 avril 2022 : “Je sais que nombre de nos compatriotes ont voté pour moi non pour soutenir les idées que je porte, mais pour faire barrage à l’extrême droite. (…) J’ai conscience que ce vote m’oblige pour les années à venir. Je suis dépositaire de leur sens du devoir, de leur attachement à la République et du respect des différences qui se sont exprimées ces dernières semaines.” Un engagement oublié aussitôt prononcé. » Benoît Bréville

Extrait de son article « Un peuple debout, un pouvoir obstiné », Le Monde diplomatique, avril 2023.

Voir en ligne : Changer de président ou changer de constitution ?

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