Haïti/ 500 ans d’histoire par ses peintres

, par  Florence Gauthier
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Une exposition de peinture d’histoire haïtienne est présentée à Paris à l’UNESCO (Place de Fontenoy, 75 007) jusqu’au 31 mars.

En Haïti, la peinture est une activité populaire qui a été remarquée en particulier par André Breton, lors de son passage dans les Antilles dans les années 1940. On a pu dire que les Haïtiens forment « un peuple de peintres » (André Malraux). Ils ont peint et continuent de peindre leur vie, leur monde et leur histoire. Jean-Marie Drot est parti à la recherche de cette histoire d’Haïti et nous offre une exposition passionnante, qui commence avec l’arrivée de Christophe Colomb dans l’île d’Haïti (une magnifique peinture de Serge-Moléon Blaise), les premiers contacts entre Espagnols et Indiens, puis la dégradation de ces rapports en conquêtes, pillages et mise en esclavage des Indiens sont peints par Eddy Jacques, Fréddy Chérasard, Frantz Zéphyrin. Ce dernier exprime la monstruosité du système et la perte d’humanité des esclavagistes en les peignant sous les traits de « bêtes impitoyables et féroces, destructeurs et ennemis suprêmes du lignage humain », comme l’écrivait Bartolomé de Las Casas dans sa Très brève relation de la destruction des Indes, en 1552. Les résistances indiennes et les massacres réalisés par les conquérants ont poussé les colons à aller chercher une nouvelle main-d’œuvre en Afrique et organiser la traite des captifs déportés en Amérique et mis en esclavage sur les plantations, dont on trouvera plusieurs évocations de Freddy Chérasard en particulier. La Révolution de Saint-Domingue/Haïti tient une place centrale, précédée par des tableaux de la révolte de Makandal et de son martyre par Edouard Jean et par Wilson Anacréon. Frantz Zéphyrin a peint le martyre de Makandal condamné au bûcher, dont l’esprit échappe aux flammes (1758), et celui de Boukman (1791).

Jean-Baptiste Jean nous raconte la vie de Toussaint Louverture depuis sa participation à l’insurrection de 1791 jusqu’à son arrestation et sa mort au Fort-de-Joux en 1803. Un très beau tableau d’Eddy Jacques peint l’esprit de l’insurrection des esclaves au moment où Sonthonax proclame la liberté générale et distribue des armes aux nouveaux libres, au Cap, le 29 août 1793. La résistance victorieuse à la tentative de Bonaparte de restaurer l’esclavage en 1802, suivie de la proclamation de la République d’Haïti en 1804, sont largement représentées avec la Bataille de la Ravine à Couleuvres en février 1802 et celle de la Crète-à-Pierrot en mars 1802 par Michel-Mercier Obin, L’arrestation de Louverture en 1802 par Henri-Claude Obin et la grande victoire de Verrières le 18 novembre 1803, par Jean-Baptiste Jean. Une étrange peinture de Toussaint Louverture le précurseur, en esprit marin à queue de poisson enracinée dans la mer, auréolé de poissons volants, raconte l’histoire de la formation du peuple haïtien et de son drapeau, par Madsen Mompremier.

La dernière partie de l’exposition rappelle des épisodes de l’histoire d’Haïti de 1804 jusqu’à aujourd’hui. On notera un tableau du président de la République Pétion recevant Bolivar en 1816, par Alfred Altidor, qui rappelle les efforts que fit Haïti pour trouver des alliés qui aboliraient l’esclavage, à l’occasion du vaste cycle des indépendances des colonies de la couronne d’Espagne. Mais l’attente d’Haïti fut trompée et c’est ainsi qu’elle se retrouva, seule sur le continent américain, à mettre en pratique la liberté générale durant tout le XIX e siècle, ce qui ne facilita pas ses rapports avec ses voisins esclavagistes. Frantz Augustin a peint plusieurs évocations de l’occupation d’Haïti par les États-Unis, de 1915 à 1934, dont un émouvant hommage à ceux qui sont morts pour la liberté d’Haïti, de Louverture à Charlemagne Péralte, crucifié par l’armée états-unienne.

Divers épisodes de l’histoire récente marquée par les trahisons successives des élites politiques, l’accélération de l’exode rural et de la misère, sont illustrés par de nombreux tableaux d’Edouard Duval-Carrié, Cameau Rameau, Eddy Jacques, Préfète Duffaut, Jean-Claude Sainte-Croix, Max Gerbier et bien d’autres, qui tous révèlent qu’en Haïti, le peuple qui vit à, ou qui vient de, la campagne a été appelé par ces élites « peyi an deyo » [1], « le pays en dehors » ! Le pays qui n’a pas d’existence politique, le pays qui a été mis à l’écart par la classe dominante et ne participe pas à l’exercice des pouvoirs publics, le Pays crucifié comme l’a peint Mécène Brunis parce qu’il faut le dire, parce qu’il faut que cela change.

Un très beau catalogue est disponible : Jean-Marie Drot, Haïti/500 ans d’histoire, Roma, Carte Segrete, 2010. Cette exposition a voyagé du Musée du Montparnasse à l’UNESCO en février et mars 2010.

Article publié également sur Révolution Française.net.

[1Voir Gérard Barthélemy, Dans la splendeur d’un après-midi d’histoire, Port-au-Prince, éditions Henri Deschamps, p. 280.

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