Question à Éric Coquerel. La France insoumise, mouvement ou parti politique ?

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Hier soir sur BFMTV, Éric Coquerel, porte-parole du Parti de Gauche, a déclaré que « France insoumise, ce n’est pas un parti, c’est un mouvement qui marche en réalité sur trois pieds ». A-t-il commis un faux pas ?

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Suite à un article dans le journal L’Écho du vendredi 17 mars dernier, Frédéric Senamaud avait écrit le lendemain : « La France Insoumise est bien un parti politique. Je tiens à la disposition de la France Insoumise le journal officiel de la République Française dans son édition du 2 février 2017. D’ailleurs, en quoi le fait de dire que “La France Insoumise” n’est pas un parti serait-il de nature à parer ce mouvement d’une vertu démocratique particulière ? Ou alors, serait-ce simplement une volonté de sortir de la tradition républicaine pour revenir à cette bonne vieille notion du parti guide, éclairant les masses ? » [1]

Ce membre de la direction départementale du PCF Haute-Vienne semble avoir raison quant à son affirmation. En effet, d’après le JORF n°0028 du 2 février 2017 – texte n°77 – , « l’Association de financement de la formation politique La France insoumise inscrite au registre national des associations sous la référence W913007622, dont le siège social est situé : 6 bis, rue des Anglais, 91300 Massy, est agréée en qualité d’association de financement du parti politique La France insoumise inscrit au registre national des associations sous la référence W913007621 pour exercer ses activités à l’intérieur du territoire national. » [2]

Par contre, ses interrogations, notamment la deuxième sur le « parti guide », nécessitent d’être commentées.

Quels sont le fonctionnement et le rôle des partis dans le système actuel ? L’historienne Florence Gauthier a répondu indirectement à cette question dans deux excellents textes.

- Le premier intitulé « Révolution française : souveraineté populaire et commis de confiance » :

« Il faut bien voir que, dans le système actuel, le fonctionnement des partis politiques a pris la place de l’assemblée générale médiévale et l’a ainsi confisquée aux citoyens : ce point est fondamental à comprendre. De peuple souverain, il n’y a plus que le nom dans le texte de la Constitution, et un peuple vidé de ses pouvoirs. Voilà ce qu’il me semblait important à clarifier.
Pour être plus précis, le système des partis, avec leur chefferie au sommet, sur le modèle de toute hiérarchie (qu’elle soit papale, monarchique ou aristocratique), n’est pas en cause. Tout parti politique impose nécessairement ses objectifs et ne recrute que les personnes qui sont d’accord avec ceux-ci. Qu’en interne, le débat soit la norme est sans aucun doute préférable, mais un parti ne doit pas être non plus un moulin ouvert à tous les vents (il y a de beaux exemples en ce moment…). Mais là où le système des partis diffère complètement de ce qu’il se passait pendant la Révolution française, c’est bien sur la possibilité, qui s’est instituée pour eux, de prendre la place de l’assemblée générale des citoyens et de transformer les électeurs en machine à élire des majorités en nombre de places dans les instances élues. C’est à ce moment-là que la culture politique et les pratiques populaires ont disparu : on peut le dater en France de l’échec et de la disparition, corps et esprit, de la Commune de Paris de 1871. »

- Le deuxième intitulé « Commune de Paris : l’élection des mandataires du peuple. 26 mars 1871 » :

« Toutefois, le système des partis politiques fait que ce ne sont pas les électeurs qui choisissent leurs élus : ils leur sont imposés par les partis. De plus, les élus sont responsables, non devant leurs électeurs, mais devant leur parti, et c’est ainsi qu’ils sont devenus des mandataires de leur parti à qui ils rendent des comptes.
Si le principe de la souveraineté populaire est affirmé dans le texte de la Constitution, le fonctionnement des partis s’est imposé au système électoral : la souveraineté se trouve ainsi déléguée par les électeurs aux élus. C’est pourquoi, ce système peut être qualifié de système représentatif qui retire sa souveraineté au peuple pour la donner à la classe des élus. Ces derniers sont ainsi devenus les “maîtres” des électeurs, comme l’Appel du 25 mars 1871 en signalait le danger. Ce système a permis de créer une classe politique dont les membres cherchent à faire carrière dans l’élection à perpétuité. »

J.G.

Voir en ligne : La Constituante de Jean-Luc Mélenchon permet-elle à la souveraineté populaire de s’exprimer ?

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