Prendre enfin la démocratie au sérieux
Le monde traverse une tourmente exceptionnelle. L’Europe de prospérité annoncée depuis un demi-siècle, puis la mondialisation heureuse magnifiée par nos « élites » il y a presque 30 ans, avaient fait naitre chez beaucoup de citoyens des espoirs, des illusions qui se révèlent aujourd’hui sans fondement.
Ce sont ces espérances meurtries qui entrainent depuis plus de dix ans des rejets catégoriques et, parallèlement, la montée de forces démagogiques qui ne sont pas sans rappeler parfois les années 1930.
Les signes de cette contestation de l’ordre mondialisé s’accumulent et deviennent de plus en plus systématiques : référendum de 2005 en France et aux Pays-Bas sur le Traité Constitutionnel européen, puis en Irlande sur le Traité de Lisbonne, crise politique en Grèce et référendum contourné par le pouvoir, référendum aux Pays-Bas rejetant l’accord Union européenne-Ukraine, rejet des partis traditionnels en Hongrie, en Pologne, ou lors de la présidentielle autrichienne, succès des mouvements démagogiques aux municipales en Italie, Brexit le jeudi 23 juin au Royaume-Uni, ... autant d’évènement auxquels les responsables européens et plus largement occidentaux ne savent répondre que par la colère, le ressentiment et le mépris, alimentant en réaction la violence.
Soyons clairs : si des forces profondément réactionnaires sont à l’œuvre dans les profondeurs de nos sociétés, les traiter de populistes n’est qu’un artifice de langage qui cherche à disqualifier les aspirations et les volontés populaires. Paradoxalement, cela conforte ces mouvements dans le rôle de porte-parole des populations en colère. Fait nouveau, les citoyens qui votent pour ces forces nourrissent eux-mêmes un fort ressentiment contre ceux qui les méprisent ouvertement et assument l’envie de les rejeter à leur tour, quel qu’en soit le moyen. Sur fond d’inégalités sociales croissantes, la démocratie est d’autant plus en jeu que les conflits prennent de plus en plus des allures de guerre civile larvée.
Les gesticulations de ceux qui dirigent nos Etats ne sauraient masquer l’échec flagrant de leur vision irénique de la mondialisation et de l’Union européenne qui en est un élément. La situation exige une remise en cause de leur politique autant que d’eux-mêmes et de leurs constructions internationales. La démocratie, dont ils se gargarisent tant, ne saurait s’accommoder de peuples dont l’avis ne compte pas. La paix sociale impose un contrat social fondé sur une autre politique et d’autres dirigeants. Il est temps en somme de rappeler que les gouvernants tiennent leur autorité des électeurs, non d’une vérité venue d’ailleurs (des marchés, de Bruxelles, des experts…).
Les médias et une large partie de la classe dirigeante présentent les peuples comme racistes et rétrogrades, qu’ils aient voté non en 2005 ou pour le Brexit aujourd’hui. Cette vision révèle un problème de fond : peut-on, en particulier dans les référendum, trier entre les « bons » et les « mauvais » électeurs qui, soit-dit en passant, se répartissent assez harmonieusement dans tous les camps (une partie de l’extrême-droite européenne a soutenu le traité constitutionnel européen) ? Un tel tri traduit en réalité un a priori sur la réponse donnée et fait l’impasse sur l’enjeu que représente, par nature, la démocratie : construire un débat libre et raisonné, écouter les tréfonds de la société et respecter les électeurs.
Un voisinage aussi injuste que désastreux est en train de se construire entre le peuple et les forces réactionnaires, comme si seules ces dernières offraient une porte de sortie hors d’un système politique de plus en plus détesté. Si aucune perspective de refondation politique n’est proposée, si cet appel n’est pas entendu, les forces césaristes parviendront aux portes du pouvoir. Il ne faudra pas dire alors qu’on ne l’avait pas voulu. Car, oui, cet aboutissement a été accepté, voire alimenté, par une volonté tenace et idéologique d’imposer un système dont l’échec est patent depuis des années.
Si l’on veut éviter une telle catastrophe, la sagesse impose de revenir à la volonté des peuples, seule capable, en bâtissant une autre politique telle que l’entend la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen, de faire obstacle au déferlement qui s’annonce. C’est en ce sens que nous demandons, depuis des années et avec constance, l’élection d’une Assemblée constituante en France. Elle seule peut faire barrage aux dérives totalitaires. Proclamons-le collectivement et, plutôt que nous embarquer dans une présidentielle de plus, exigeons avec force son élection au plus vite.
https://www.change.org/p/citoyennes-et-citoyens-de-france-présidentielle-non-constituante-oui |
Article également publié par l’ASSOCIATION POUR UNE CONSTITUANTE : www.pouruneconstituante.fr.