Qui a peur de la souveraineté ?

, par  André Bellon
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Comment le mot « souveraineté » est-il devenu péjoratif ou même, dans la bouche de François Hollande, synonyme de déclin ? Comment a-t-il perdu sa valeur émancipatrice, celle qui portait la pensée philosophique il y a deux siècles, celle qui a porté le peuple français vers la Révolution de 1789, celle qui portait plus récemment la Résistance en France ? Par quel cheminement monstrueux deviendrait-il la propriété de l’extrême droite ? Fallait-il, en effet, que ce soit Marine Le Pen qui pose la question de la souveraineté lors de la prestation Angela Merkel/ François Hollande au parlement européen le 7 octobre ? Fallait-il que, de ce fait, ce débat essentiel dérive sur l’attitude à adopter par rapport au Front national ? L’idée de la souveraineté appartiendrait-elle au FN ? NON !

Les récents échanges à Bruxelles à l’occasion de la crise migratoire ont conduit François Hollande à invoquer la « souveraineté européenne ». Ainsi, le débat est posé dans des termes clairs. S’exprimant devant une enceinte internationale (le Parlement européen), le Président de la République française estime que la seule souveraineté est d’ordre européen. Hypothèse absurde car il n’y a pas de peuple européen, hypothèse ridicule lorsqu’elle émane de quelqu’un qui défend un traité transatlantique. Mais c’est une option bien connue que défendent depuis des décennies tous les fédéralistes. Il faut alors être cohérent et supprimer l’article 3 de la Constitution française qui déclare que « la souveraineté nationale appartient au peuple » et amender la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen qui dispose en son article 3 que « Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation ». Il convient tout au moins de demander au peuple français s’il souhaite voir disparaitre sa propre souveraineté, surtout lorsqu’on a la démocratie en permanence à la bouche. Rappelons que la seule fois où une question de cet ordre lui a été posée, c’était en 2005 à l’occasion du référendum sur le Traité Constitutionnel Européen. La réponse fut non. Les forces politiques françaises dominantes s’arrogèrent le droit de bafouer ce résultat. Et pourtant, la souveraineté porte à la fois la liberté individuelle et la volonté collective. Et la démocratie n’est que l’autre nom de la souveraineté populaire.

La question de la souveraineté est l’impensé du débat politique, le tabou qu’on cherche à ne pas briser. Il devient d’intérêt public de l’aborder clairement et sereinement si l’on ne veut pas voir le débat s’enliser entre l’extrême droite et les européistes obsessionnels. Rappelons-nous le discours de Pierre Mendès-France appelant à voter contre le traité de Rome. Rappelons-nous le débat avorté à l’occasion du traité de Maastricht. Depuis lors, l’affrontement démocratique nécessaire est contenu par des institutions qui nient la contradiction démocratique sur ces questions. Mais il en est, en la matière, comme pour les tremblements de terre. À force d’empêcher les contradictions de s’exprimer démocratiquement, il ne leur restera qu’à se manifester de façon brutale. Faudra-t-il alors et tardivement s’en plaindre ?

Article également publié par l’ASSOCIATION POUR UNE CONSTITUANTE : www.pouruneconstituante.fr.

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