L’égalité républicaine devant l’éducation n’est plus

, par  Michel Lambalieu, Tribune libre
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Dans la formation de l’esprit scientifique Gaston Bachelard souhaitait "une société faite pour l’école".

Les finalités de l’école sont le reflet de la société qui les engendre.

"...demain comme aujourd’hui, la Nation sera rassemblée derrière son école et est prête à lui donner les moyens dont elle a besoin pour préparer notre avenir collectif, et (d’) affecter ces moyens en priorité envers celles et ceux qui en ont le plus besoin". Voilà qui sonne bien ! , mais quelle réalité se cache derrière ces propos de Jean-Claude Carle, sénateur de Haute-Savoie, rapporteur du "projet de loi d’orientation pour l’avenir de l’école" de mars 2005 avec son collègue Yves Détraigne ?

Les époques changent et ont les rapporteurs scolaires qu’elles méritent ...qu’on en juge :

Le "Rapport" remis à l’Assemblée législative par Condorcet le 20 avril 1792 définissait le concept d’instruction publique. Accueillant tous les enfants de façon égale, sans distinction d’origine ou de conviction spirituelle, elle avait pour mission l’instruction de chacun, lui permettant d’acquérir la maîtrise des connaissances universelles tout en se libérant des croyances religieuses relevant des convictions personnelles de chacun. ( Le projet de Lepeltier de St Fargeau lu à la Convention par Robespierre l’année suivante était encore plus social). Ainsi la laïcité, l’éducation républicaine qui assure la justice allaient de pair, soutenues par les trois piliers fondamentaux de la République : la liberté-l’égalité-la fraternité.

213 ans plus tard, le rapporteur Carle en trouve quatre : "les personnels de l’éducation nationale,- les familles,- les collectivités territoriales -et le monde socio-économique.". Il évoque (pour qualifier son rapport) " trois mots qui sont (aussi )les trois clefs de l’avenir de notre Ecole : investissement-évaluation-partenariat"

Le référentiel a bien changé ! : Le débat ne porte plus sur les finalités républicaines de l’éducation. Plus de débat et de comparaison entre méthodes pédagogiques pour toujours tirer l’enseignement vers le haut. Celui-ci est devenu marchand, sécuritaire et partisan.

Après que Nicolas Sarkozy en eut donné le signal par sa déclaration sur la soit-disante « supériorité intrinsèque du prêtre sur l’instituteur dans la transmission des valeurs », une entreprise méthodique de démolition de l’édifice construit sur les principes républicains réaffirmés par la loi de 1880, entérinés en 1905 par la loi de séparation des Eglises et de l’Etat puis confirmés à nouveau par la loi Savary en 1984. se joue depuis quelques temps.

On se souvient qu’ après la signature le 15 décembre 2008 de l’accord entre la France et le St Siège par Bernard Kouchner, le décret du 16 avril 2009 établit la reconnaissance des grades et diplômes de l’enseignement supérieur catholique.

A nouveau, un mauvais coup contre l’école se prépare, cette fois , c’est le tour du primaire : la loi prochainement examinée par les députés renforcera dans les faits l ’article 89 de la loi relative aux libertés et responsabilités locales, votée le 13 août 2004, qui obligera les communes à financer les frais de fonctionnement des élèves inscrits dans une école primaire privée sous contrat d’association, même si celle-ci était située hors du territoire de la commune de résidence.

Or, si on ne peut que se réjouir que, citant les écrits du rapporteur, "le projet de loi de finances pour 2009 fait de l’Ecole la première des priorités nationales, envoyant ainsi à l’ensemble de la communauté un signal très clair :(...) la Nation (sera) rassemblée derrière son école et est prête à lui donner les moyens dont elle a besoin pour préparer notre avenir collectif, et d’affecter ces moyens en priorité envers celles et ceux qui en ont le plus besoin." pour aussitôt déplorer que dans la pratique , il en aille tout autrement : par exemple, les 48 millions supplémentaires obtenus par la commission des Affaires culturelles du Sénat dotent indistinctement l’Enseignement agricole public et privé alors que l’enseignement public voit ses moyens drastiquement diminués.

La suite est hélas bien connue et la dérive évidente... : Des disciplines, nécessaires à l’épanouissement des enfants, qu’elles soient par exemple artistiques ou sportives, décrétées désormais comme superflues pour "le commun" , mais néanmoins toujours accessibles à ceux qui en ont les moyens, ont déjà disparu des programmes. Demain, ceux qui ne seront pas en mesure d’assumer tous les frais d’une scolarité élitiste rendue de plus en plus chère, seront cantonnés à un enseignement basique, les coupant, au départ, de toute possibilité de réussite sociale à laquelle leur intelligence et leur travail devraient leur donner accès. Alors que le territoire français n’est déjà plus uniformément desservi par les services -jadis- publics (transport, justice, santé. demain la poste..), il en sera fait de même pour l’école au nom de cette soit-disante rentabilité . On voit disparaître des établissements publics financés par l’ensemble des citoyens, où l’enseignement est gratuit et ouverts à tous ( déjà 500 !) au profit d’ établissements privés subventionnés autoritairement par les communes, aux frais de scolarité incontrôlés et qui plus est, selon une modulation fonction des richesses locales. Tout cela introduit de fait une véritable injustice sociale, faisant primer l’intérêt de quelques uns sur celui de tous. Pourquoi ne pas faire subventionner de cette façon des précepteurs à domicile, renouant ainsi avec des époques que l’on croyait complètement disparues ?

On ne saurait mieux se moquer du peuple . Le code de l’Education qui stipule que " la Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation et à la culture ; l’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’Etat " est bafoué.

Cette disposition anticonstitutionnelle est bien conforme à l’esprit qui prévaut dans cette Europe qu’on nous propose aujourd’hui , elle qui n’a de cesse que de combattre ce qui a fait la spécificité de la France et son rayonnement : la laïcité.

Alain, dans Propos sur les pouvoirs écrivait "Ce qui me paraît le plus clair dans l’importe quel Etat politique ,c’est que le peuple vaut mieux que ses maîtres". On ne saurait être plus explicite : Pour cela , une seule solution : redéfinissons nous-mêmes ce que nous voulons par la rédaction des cahiers de doléances préparant l’Assemblée Constituante qui nous conduira à une nouvelle République.

Michel Lambalieu

Article également publié dans la lettre n°30 du groupe République !, http://www.le-groupe-republique.fr.

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