Une révolution paysanne ou Les caractères originaux de l’histoire rurale de la Révolution française

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La Révolution française, révolution des droits de l’homme et du citoyen, abolit le régime féodal et l’esclavage dans les colonies, deux des piliers de l’oppression des peuples. Cette double abolition se réalisa en faveur de l’humanité opprimée. Le bonnet rouge de la liberté exprima le lien entre ces deux grandes conquêtes de la liberté civile et politique de portée mondiale.

Nous nous intéresserons ici au mouvement paysan qui imposa son rythme à la Révolution et dont l’objectif n’était pas seulement de se libérer du régime féodal. En effet, des rapports d’un type nouveau se développaient depuis la fin du Moyen-Âge. On pouvait voir dans les campagnes du Royaume de France, les progrès de la concentration de la propriété foncière par l’expropriation d’une partie grandissante de la paysannerie de ses tenures héritables, mais aussi ceux de la concentration de l’exploitation agricole aux mains d’une étroite couche de fermiers capitalistes entrepreneurs de culture [1], qui pratiquaient la réunion des fermes en rassemblant dans leurs mains les différents marchés de terre en location. On voyait encore la formation d’un marché privé des subsistances grâce à la spéculation à la hausse des prix des grains à une époque où les céréales représentaient la base de l’alimentation du petit peuple des villes et de l’immense population des paysans pauvres et sans terre. Ici, le pouvoir économique transformait le besoin social de se nourrir en arme alimentaire, ou guerre du blé, qui tuait, comme nous le savons, sous forme de disettes factices [2].

La Révolution en France fut aussi l’expression de la résistance populaire à ces formes capitalistes désignées par l’expression précise d’économie publique tyrannique à laquelle répondirent la revendication et l’élaboration d’une économie politique populaire [3]. Un débat exemplaire s’ouvrait ici.

La Révolution en France fut aussi une expérience politique éclairée par les principes philosophiques de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et caractérisée par l’immense tâche de la construction de la souveraineté populaire, de l’élargissement d’un espace public démocratique, de la construction d’un pouvoir législatif suprême et d’une citoyenneté participant effectivement à l’élaboration des lois, toutes choses auxquelles la paysannerie participa pleinement, avec ses traditions spécifiques de droit des habitants qui organisait la vie des communautés villageoises.

Florence Gauthier

Pour lire la suite : http://revolution-francaise.net/

Voir en ligne : Critique du concept de “révolution bourgeoise” appliqué aux Révolutions des droits de l’homme et du citoyen du XVIIIe siècle.

[1L’expression est de TURGOT, « Sixième lettre à Terray, 1770 », Écrits économiques, Paris, 1970, p. 328.

[2Les disettes factices ou hausses soudaines des prix , mettaient les subsistances hors de portée des bas salaires et pouvaient entraîner, en fonction de leur durée, une malnutrition suivie de poussées de mortalité. Sur les différences entre disettes factices et famines voir les travaux de Jean Meuvret.

[3Voir Florence GAUTHIER et Guy Robert IKNI (éd.), La Guerre du blé au XVIIIe siècle, Paris, 1988, p. 111-166.

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