"D’où viennent les 11 milliards de dollars dépensés pour la campagne américaine ?" Par Ariane Blanchet C’est ce que certains osent appeler une "démocratie"...

, par  J.G.
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« Jamais campagne américaine n’avait brassé autant d’argent. En provenance majoritairement de dons privés de richissimes milliardaires et d’une myriade de petits contributeurs, retour sur ce financement de campagne hors-norme.

Pas moins de 11 milliards de dollars ont été dépensés pour la campagne présidentielle américaine de 2020, moitié plus que les élections précédentes, d’après le Center for Responsive Politics . Cela en fait la course à la présidentielle la plus chère de l’histoire des Etats-Unis.

Joe Biden a dépensé 484 millions de dollars et Donald Trump 456. A titre de comparaison, Macron a dépensé 16 millions d’euros pour sa campagne en 2017.

D’où viennent ces fonds ? Pas de financement public. Les candidats préfèrent y renoncer pour ne pas être contraints par le plafond imposé de leurs dépenses à quelque 84 millions de dollars. Depuis les trois dernières élections, les sources de financement des campagnes sont entièrement privées, en provenance notamment de petits donateurs, dont les contributions (inférieures à 200 dollars) suivent une hausse inédite de 16 % depuis la dernière élection, représentant plus de la moitié des ressources de Donald Trump pour sa campagne (contre 37 % pour Joe Biden).

Mais la plus grande source de financement provient de quelques richissimes donateurs. Les milliardaires américains ont rassemblé pas moins de 568,9 millions de dollars pour le candidat démocrate et 248,6 millions de dollars pour le candidat républicain, d’après Forbes et son Billionaire Backers. Michael Bloomberg a même battu tous les records en autofinançant sa campagne aux primaires démocrates à hauteur de… 1,1 milliard de dollars.

Les 0,0001 %

Les trois quarts des fonds récoltés proviennent de… moins d’1 % de la population américaine. Pire : moins d’un millième de la population, soit 2.635 personnes, ont fourni à eux seuls 1,4 milliard de dollars soit un cinquième des contributions totales. “Les critiques des inégalités américaines parlent souvent des “1%” de la population - mais en ce qui concerne le financement des campagnes, ce sont les 0,0001 % qui comptent”, écrit Richard Briffault, professeur de législation à Columbia, pour The Conversation.

De fait, la population américaine n’est pas du tout représentée par les contributeurs. “Les donateurs sont en moyenne plus vieux, plus blancs et plus riches que la population américaine”, explique le professeur. Et cette forte inégalité de contribution polarise encore plus le territoire américain : les dons en provenance de la Californie sont supérieurs à ceux de 29 autres Etats.

Derrière le duel Biden Vs Trump, deux profils de milliardaires

Si les milliardaires qui financent les campagnes américaines ont peu ou prou le même profil, entre Joe Biden et Donald Trump, des différences importantes s’observent.

Géographiquement, d’abord : en Californie, 84 % des milliardaires contributeurs soutiennent Joe Biden. Au Texas, 88 % soutiennent Donald Trump. Par secteur, ensuite : la grande majorité d’entre ceux ayant fait leur fortune dans les technologies ou dans les Médias et le Divertissement donnent à Biden. Au contraire, la totalité des milliardaires donateurs issus des énergies ou encore de l’industrie manufacturière et des jeux d’argent et casinos soutiennent Trump.

Vous avez dit cliché ? C’était sans observer leurs biographies. Parmi les milliardaires soutenant Joe Biden, le plus grand contributeur est James Simons, mathématicien américain, fondateur d’un hedge fund, diplômé de Harvard, Berkeley et du MIT. Suivent deux diplômés de Stanford, l’ex-président d’EBay et producteur de film Jeffrey Skoll et le cofondateur de LinkedIn Reid Hoffman.

Les plus grands contributeurs milliardaires de Trump sont Texans : Kelcy Warren, dirigeant d’une entreprise d’infrastructures pétrolières, ou encore Andrew Beal, magnat de la banque et l’immobilier et joueur de poker de renom. Certains d’entre eux sont des ’self-made-men’ accomplis, à l’image de Sheldon Adelson, qui a démarré vendeur de journaux dans la rue à 12 ans avant de devenir un richissime promoteur immobilier et propriétaire de casinos à Las Vegas.

La face immergée de l’iceberg : dons illimités et dark money

Mais à quel moment est-il devenu possible de dépenser 11 milliards de dollars pour une campagne présidentielle ? C’est simple : depuis 2010, par décret de la Cour Suprême américaine, il est possible de financer à l’infini un candidat à la présidentielle.

Les “super PACs” (“comités d’action politique”), ces organisations privées qui lèvent des fonds pour défendre les intérêts de leurs contributeurs, peuvent désormais récolter des dons de façon illimitée. Ces structures investissent la totalité de leurs fonds pour un candidat ou un parti afin d’influencer l’issue des élections. Citons quelques-uns des fonds soutiens de Trump : “God Guns Life”, “Tea Party PAC”, “Coalition for American Veterans”, “Black Americans to Re-Elect the President” ou encore “Moms for Safe Neighborhoods”.

S’ajoutent à cette possibilité de dons illimités, des fonds intraçables levés par des organismes à but non-lucratif, autorisées à ’investir’ en politique tant que cela ne dépasse pas la moitié de leur budget. Seulement ces organismes n’ont aucune obligation de dévoiler les noms de leurs principaux contributeurs, appelés des “dark money donors”. Une aubaine pour les donateurs qui souhaitent rester discrets : entreprises ou associations comme la NRA dont la contribution à la campagne précédente de Trump est estimée à 31 millions de dollars. »

Source : start.lesechos.fr, 20 octobre 2020.


P.S. de J.G. :

Les systèmes électoraux de l’Empire américain et de la France sont à des années-lumières du principe fondamental reposant sur le fait que c’est aux électeurs de choisir leurs mandataires et non à ces derniers de présenter leur candidature pour se faire élire.

« Portez vos préférences sur ceux qui ne brigueront pas vos suffrages ; le véritable mérite est modeste, et c’est aux électeurs à connaître leurs hommes, et non à ceux-ci de se présenter. » Extrait de l’Appel aux électeurs parisiens, daté du 25 mars 1871 [1]

De plus, le système des partis politiques fait que ce ne sont pas les électeurs qui choisissent leurs élus : ils leur sont imposés par les partis. Ces élus sont responsables, non devant leurs électeurs, mais devant leur parti !

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