"Airbus : Louis Gallois confirme les projets de délocalisation". Par Bruno Trévidic

, par  J.G.
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Alors que l’avionneur « européen » annonce la construction d’une usine dans l’Empire américain pour y produire des A320, il est peut-être nécessaire de relire l’article ci-dessous datant de 2007...




« Après plusieurs avertissements sans frais, Louis Gallois, président exécutif d’EADS, a confirmé hier sa décision de délocaliser une partie de la production d’Airbus en zone dollar, pour compenser le renchérissement de l’euro. “Malheureusement, il ne faut plus employer le conditionnel, a-t-il déclaré sur Europe 1, en réponse à une question sur le risque de délocalisation. Il faut dire "il faudra", parce que nous n’avons pas le choix.” Le niveau du dollar face à l’euro “est le principal problème pour nous. (...) Le seul moyen de préparer l’entreprise à un dollar que plus personne ne maîtrise, c’est de s’installer malheureusement en zone dollar”, a-t-il ajouté.

Jusqu’à présent, Louis Gallois et le PDG d’Airbus, Thomas Enders, s’étaient contentés d’évoquer la possibilité de nouvelles délocalisations. Mais, cette fois, le président d’EADS est entré dans les détails. Le processus “concernera tous les avions, mais pas toutes les pièces des avions, a indiqué Louis Gallois. Nous allons être obligés de faire fabriquer des pièces d’avion, des portes, des éléments de fuselage, des éléments d’aile, à l’extérieur de l’Europe”. Mais l’impact de ces délocalisations “ne sera pas sensible immédiatement sur les usines en Europe”, a-t-il précisé. Elle se feront plutôt sentir “sur la prochaine décennie”.

Un processus déjà engagé

En juin dernier, Louis Gallois et Thomas Enders avaient déjà souligné la nécessité pour Airbus de rééquilibrer ses achats, réalisés à 76 % en Europe, et ses ventes, générées à plus de 60 % hors d’Europe. Mais, jusqu’à présent, cette stratégie de délocalisation était avant tout guidée par des nécessités commerciales ou la recherche de financements. Pour se faire une place en Chine, Airbus a ainsi accepté d’y ouvrir sa première chaîne d’assemblage hors d’Europe, courant 2008, qui sera suivie en 2009 d’un second centre de fabrication d’éléments en composites. Dans le même esprit, Airbus s’est engagé à ouvrir une chaîne d’assemblage aux Etats-Unis, s’il était retenu pour le marché des avions ravitailleurs de l’US Air Force. EADS a également signé un protocole d’accord avec la Russie, pour la construction d’un site de reconversion d’A320 en version cargo et la participation de l’industrie aéronautique russe au programme A350 à hauteur de 5 %. Le groupe a aussi engagé des discussions avec un fonds d’investissement d’Abu Dhabi pour y ouvrir une usine de pièces en composites à l’horizon 2010. Par ailleurs, l’avionneur encourage ses fournisseurs à délocaliser en zone dollar ou dans les pays à bas coûts. Ainsi Latécoère, qui a déjà ouvert des usines en Tunisie, au Brésil et à Prague, prévoit d’ouvrir trois nouveaux sites en pays “low cost” dans les prochaines années.

Au total, 70 % du futur Airbus A350 devraient être ainsi “achetés” en dollars à l’horizon 2013, contre 50 % pour l’A380 et seulement 24 % de la production actuelle d’Airbus. Dans un avenir plus lointain, cette proportion pourrait même encore augmenter. Pour succéder à la famille A320, Airbus pourrait ainsi sous-traiter la fabrication d’un des futurs monocouloirs à Soukhoï ou à Embraer.

Reste à faire accepter ce processus aux salariés et aux syndicats. “On ne peut accepter cette théorie, estimait hier le délégué FO, Julien Talavan. L’Europe n’a pas fait l’euro pour nous faire perdre des emplois.” “C’est la petite goutte qui fait déborder le vase”, a estimé pour sa part le sénateur Jean Arthuis, incriminant la politique monétaire européenne. Jusqu’à présent, les délocalisations n’ont pas entraîné de réductions d’effectifs en Europe. Mais l’essentiel des créations d’emplois de la filière aéronautique, dont les effectifs sont stables depuis trois ans, s’effectue désormais à l’étranger. Et, selon un audit externe, Airbus France aurait déjà externalisé 53 % des charges d’études et 47 % des charges de production, et ce pour 70 % hors de la zone euro. Louis Gallois et Thomas Enders auront donc fort à faire pour convaincre de la nécessité d’en faire plus ailleurs. » Bruno Trévidic

Article publié par Les Échos, n° 20 060 du 4 décembre 2007, p. 23.
Source : archives.lesechos.fr

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