Bon anniversaire à la construction européenne !

, par  André Bellon
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La Grèce, qui fut autrefois l’initiatrice de la philosophie humaniste, sera-t-elle le révélateur de la nature inhumaine de la construction européenne ? Sera-t-elle le prétexte à de nouvelles atteintes à la démocratie ? Elle met en tout cas en lumière les fondements de cette originale entreprise.

La solidarité

Depuis quelques temps, on ne cesse d’entendre ce mot à propos de la zone euro et de son « maillon faible », la Grèce. Mais solidarité de qui avec qui ? On pourrait penser que la question est d’aider les citoyens, de trouver ensemble les voies du développement social. Non, il s’agit au contraire de faire payer aux salariés grecs les errements de leurs dirigeants. Il s’agit de continuer, en plus dur, une politique de rigueur.
L’ineffable Alexandre Adler, dans une chronique quotidienne généreusement octroyée par la radio publique, saluait le « courage » du premier ministre Georges Papandréou et fustigeait « l’égoïsme » des salariés grecs.
Discours typique des grands prêtres de la pensée dominante qui s’insurgent bien plus devant les manifestants qui vont se faire matraquer en défendant leur niveau de vie que devant les manipulateurs et les profiteurs d’une politique absurde. En fait, la soi-disant solidarité n’a rien à voir avec les citoyens. Elle est fondée sur une seule question : « Il faut sauver le soldat Euro ». La solidarité devient, de ce fait, le prétexte pour imposer encore plus la rigueur dans notre propre pays.
L’absence de solidarité sociale et le soutien apporté aux milieux financiers achèvent de détruire toute cohérence de la société. Comme le remarque fort pertinemment Jean-Paul Fitoussi (Le Monde du 5 mai 2010), à force de marginaliser les maillons faibles, nos chers dirigeants risquent de se retrouver tout seuls.

La confiance

Depuis le pape et Nicolas Sarkozy jusqu’aux économistes officiels, un discours s’est répandu sur le monde : ayez confiance, ce qu’il faut traduire par « faites-nous confiance », « signez-nous un chèque en blanc », autrement dit « taisez-vous ».
Faites confiance à des dirigeants dont la parole ne vaut plus grand-chose et qui s’abritent derrière les contraintes qu’ils ont eux-mêmes créées et qu’ils amplifient pour ne pas tenir compte des aspirations, des revendications et des difficultés des peuples qui, depuis longtemps déjà, paient les pots cassés des politiques choisies. Il ne faut pas céder aux « intérêts électoralistes », estime Mme Aubry. Dans le même temps, un Jacques Attali qui a largement participé à la mise en oeuvre de ces politiques, demande qu’on profite de la situation pour franchir encore une nouvelle étape. Voila qui illustre dramatiquement les thèses de Naomi Klein sur la stratégie du choc, soit, en bref, taper sur les gens pour profiter de leur désarroi.
Qui songerait à s’étonner que Papandréou fasse, à peine élu, une politique à l’inverse de son programme électoral et ne songe pas à retourner devant les électeurs ? Il y a bien longtemps que ce type de question ne se pose plus. On vote pour une personne à qui on doit faire confiance, et puis c’est tout.
La politique menée est destinée à restaurer la confiance des marchés financiers, censés garantir les grands équilibres économiques. Absurdité de la confiance. Comment la Grèce paiera-t-elle ses dettes si elle ne peut relancer son économie et si certains spéculent même grâce à l’« aide » apportée ? En fait, la stratégie de la confiance n’est qu’une relation entre milieux financiers qui se surveillent mutuellement, habitués à voir satisfaites toutes leurs exigences quel qu’en soit le coût social. Pour les pertes, les citoyens paieront.
Pour sortir de la catastrophe, faites confiance à ceux qui l’ont créée !

Les marchés

Ah, les marchés ! Dotés d’une vie propre par le biais d’une bizarre conception anthropomorphiste, ils s’imposent à nous comme d’insaisissables extraterrestres. Même les dirigeants en parlent comme de pouvoirs transcendantaux : les « marchés » ont frémi, les « marchés » ont peur, les « marchés » pensent que,...
Plus personne ne dit pouvoir les contrôler, les influencer sérieusement. Non, il faut subir ces nouveaux Léviathans. Mais qui, parmi les responsables ose dire que, si les fameux marchés échappent à tout contrôle, c’est parce que cela a été décidé ? La politique de dérégulation des circuits financiers fut un des principes de la fin des années 90 sur lesquels ont été construits les traités de Maastricht, d’Amsterdam, de Lisbonne. Elle est la base des règles monétaires et légitime l’Euro.
Toute la politique des trois dernières décennies a été fondée sur l’idée de la nocivité des contrôles publics, autrement sur la destruction de toute vie politique et sur le rôle globalement bénéfique de ces fameux marchés. Ceux-ci font ainsi figure de Dieux en colère qu’il faudrait apaiser en leur faisant des offrandes et des sacrifices humains (des millions de salariés). Et si nécessité faisait loi, on ignorerait les règles intangibles élaborées hier. Ainsi, l’interdiction faite à la banque centrale de créer de la monnaie est-elle remise en cause lorsque la faiblesse monétaire fragilise les intérêts financiers.

Sur la base de ces principes, l’Europe apparaît comme une création artificielle qui impose des sacrifices aux peuples sans que jamais ceux-ci n’en voient les avantages, comme une illustration du fameux slogan : « Aujourd’hui, vous payez, demain ce sera gratis ». Mais demain signifie jamais. Il y a 60 ans, le 9 mai 1950, le ministre des affaires étrangères français Robert Schuman annonçait la création de la première communauté européenne. Bon anniversaire !

Article publié par Le Groupe République ! : http://www.le-groupe-republique.fr

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