La barbarie douce

, par  J.G.
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Dans son essai sur le management moderne, Jean-Pierre Le Goff fustige les nouveaux modes de management, la théorisation extrême et la fragmentation de l’expérience, qui détruisent tout culture et réduisent à un but utilitariste la totalité de la vie des hommes, de l’enseignement des tout petits au management des séniors.

Extraits : « Les chartes et "projets d’entreprise", le "management par les valeurs" vont largement servir à tenter de contourner les organisations syndicales et le droit du travail. Le thème de l’autonomie est mis en avant dans une optique sacrificielle visant l’acceptation de l’intensification du travail et l’intériorisation de nouvelles normes. Les directions des entreprises converties à ces nouvelles orientations tendent à faire porter sur les salariés la responsabilité de leur propre performance et celle de l’entreprise...La lecture et l’ écriture implique dans leur apprentissage un effort et un décentrement de la part du jeune vis-à-vis de sa propre subjectivité. Elles impliquent une rupture avec la logique de la suprématie du "moi " . Lire et écrire ce n’est pas " prendre du pouvoir " sur les autres et se débarrasser d’un lien de dépendance, c’est au contraire s’insérer dans un ordre symbolique commun qui constitue un héritage. Le langage est " tâche autant qu’héritage " ( Maurice Merleau-Ponty ). Les jeunes ne peuvent être d’emblée des créateurs et des novateurs, ils sont d’abord des héritiers...Un renversement s’opère quand on cherche à arracher l’assentiment du jeune sur la sanction prise ou qu’on l’invite à la formuler lui-même. La relation dissymétrique adulte-enfant est non seulement gommée, mais on demande, plus ou moins consciemment, à ce dernier d’accepter et de conforter la nouvelle posture de l’adulte qui rechigne à assumer clairement ses responsabilités dans l’énonciation de la sanction et les mesures contraignantes qu’elle implique...N’ayant plus de référents solides en face, le jeune aura le plus grand mal à apprécier ses capacités et ses talents à leur juste mesure, oscillant constamment entre surestimation et dépréciation de soi-même. »

Jean-Pierre Le Goff, La barbarie douce, Éditions La Découverte, 1999.

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