"Pour le N-VA, l’UE est idéale pour la Flandre autonome"

, par  J.G.
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« INTERVIEW - Vincent De Coorebyter, directeur du Centre de recherche et d’information socio-politiques (Crisp) de Bruxelles, explique au figaro.fr la stratégie de ce parti qui a créé la surprise lors des législatives en Belgique.

LEFIGARO.FR. - D’où vient le parti Nouvelle Alliance (N-VA) ?

Vincent De Coorebyter. - Il est issu de la Volksunie, un parti nationaliste flamand fondé en 1954. La Volksunie n’était pas le premier parti du nationalisme flamand, qui existe depuis 1919, mais il a dominé ce mouvement pendant presque 50 ans. En 2001, alors que Volksunie participait depuis deux ans à une réforme de l’Etat, il s’est divisé entre une aile dure qui trouvait que les réformes proposées n’allaient pas assez loin et une aile plus réaliste, progressiste. Le parti a éclaté et sa frange conservatrice s’est retrouvée dans la Nouvelle Alliance, N-VA (Nieuw Vlaamse Alliantie).

Son leader, Bart de Wever est issu d’une famille proche de l’extrême droite…

Il faut être prudent à ce sujet et ne pas tout mélanger. Il est vrai que durant les périodes troubles de l’histoire belge, le nationalisme flamand a flirté avec l’extrême droite et la collaboration. On trouve donc facilement des liens familiaux entre ses leaders et l’extrême droite. Mais ça ne veut pas dire qu’ils soient tous de cette sensibilité. En l’occurrence, si Bart de Wever était d’extrême droite, il serait dans un autre parti, le Vlaams Belang.

Qu’est-ce qui distingue les nationalistes du N-VA de ceux du Vlaams Belang ?

Tous deux sont des partis séparatistes, avec un même objectif final qui est l’indépendance de la Flandre. Mais un certain nombre de cadres du Vlaams Belang ont des accointances fascistes, avec une xénophobie voire un racisme affichés. Le projet du Vlaams est de faire éclater la Belgique par tous les moyens. C’est un parti qui tient un discours haineux, injurieux à l’égard des francophones. N’oublions pas que son slogan signifie : “Que la Belgique crève !”.

Le N-VA, lui, est certes très critique a l’égard de la Belgique et son discours peut même parfois être ressenti par les francophones comme une sorte de racisme linguistique. Mais c’est un parti de gouvernement, qui joue le jeu parlementaire et le respecte. Il faut donc distinguer le Vlaams Belang, parti indépendantiste d’extrême droite, et le N-VA, parti indépendantiste démocratique.

Quelle est la position du N-VA sur l’Europe ?

C’est une autre différence fondamentale avec le Vlaams. Comme tous les partis d’extrême droite d’Europe, ce dernier est profondément anti-européen, alors que le N-VA, est plutôt pro-européen. Ses membres voient en l’UE le cadre idéal pour installer une Flandre autonome. Leur argument est que l’indépendance des régions va dans le sens de l’histoire européenne, puisque l’Union se base sur les régions auxquelles elle confère toujours plus de pouvoirs. Les pouvoirs nationaux (monnaie, défense), eux, se trouvent élevés à un niveau supranational. Tout cela amène logiquement, selon le N-VA, à la disparition des Etat-Nations artificiels, comme la Belgique. Le N-VA se bat donc pour une Europe à deux niveaux : supranational et régional.

Que propose le N-VA pour l’avenir de la Belgique ?

Principalement deux choses. Le volet linguistique, très radical, réclame l’homogénéité de la zone flamande. Il propose donc la fin des exceptions accordées aux francophones à l’intérieur des frontières de la Flandre.

Sur le plan institutionnel, le projet à long terme est l’indépendance de la Flandre. D’ici là, l’objectif est d’arriver par étapes à une quasi autonomie de la région dans un cadre belge réduit à sa plus simple expression. C’est-à-dire maintenir quelques compétences régaliennes - défense, diplomatie, certains volets de la police et de la justice - au niveau fédéral. Tout le reste (comme la sécurité sociale) doit être divisé entre flamands et francophones.

Et Bruxelles dans tout ça ?

C’est l’épine dans le pied du nationalisme flamand depuis toujours. Une ville francophone au milieu de leur région… Comme du coup la Flandre ne peut pas tout bonnement absorber Bruxelles, les N-VA penche pour un statut à part, cogéré par les deux communautés. »

Article publié par lefigaro.fr, le 16/06/10.

P.S. de J.G. :
- La Grande Europe ou le grand basculement ? par Pierre Hillard
- Des renforts pour les langues régionales par Yvonne Bollmann
- La Charte européenne des langues régionales et minoritaires : une régression par Anicet Le Pors
- Minorités ethniques : le Parlement européen persiste et signe
- Europe Ecologie, Daniel Cohn-Bendit et Bart De Wever

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